PIB, croissance, Shadoks et concours de zizis

Les grands esclavagistes de l’état, comme les Shadoks, adorent calculer des chiffres inutiles avec plein de zéros dedans. A la différence des Shadoks, cependant, ils s’en servent pour faire des concours de zizis entre eux. Le plus connu de ces chiffres inutiles est le produit intérieur brut (PIB).

Les chiffres inutiles (= qu’on ne peut pas calculer pour de vrai) sont souvent utilisés en économétrie, une technique Shadok conçue pour prédire ce qui n’arrivera certainement pas – le but étant de calculer tout ce qui n’arrivera sûrement pas, pour en déduire ce qui risque d’arriver par élimination. On ne le répètera jamais assez: il faut prendre soin de bien choisir les « indicateurs économiques » qu’on utilise, pour ne pas avoir l’air d’un Shadok égaré sorti par erreur d’un concours international de zizis.

A l’intérieur d’un territoire arbitrairement délimité, appelé « pays », on peut mesurer la « productivité » des gens qui y travaillent (= qui y créent des richesses) simplement en mesurant leur « produit », qui est la valeur de la quantité totale de richesses qu’ils créent pendant une période de temps (généralement une année).

Par exemple, si les français, tous ensemble, bossent 100Gh (giga-heures) par an pour fabriquer une grosse montagne de richesses de toutes sortes (des voitures, des maisons, des histoires drôles, des poubelles en plastique, des livres, etc.), le PIB sera théoriquement la somme de la valeur de chacune de ces choses pour celui qui la possède.

A quoi ça sert ? A rien, c’est un chiffre inutile: on ne peut pas le calculer pour de vrai, puisque nous ne pouvons pas savoir la valeur exacte, pour celui qui l’achète, de chaque richesse produite en un an par tous les français.

La valeur de la richesse fabriquée par les français, c’est la somme des valeurs qu’a chaque petit bout de cette richesse pour celui qui l’achète et s’en sert dans le but d’enrichir sa propre existence, donc à moins de demander à chaque personne qui achète quelque chose en France combien elle était disposée à dépenser au maximum pour l’acheter – ce qui est parfaitement impossible – nous ne saurons jamais quelle est la valeur totale de toutes les richesses appartenant à chaque français. A la place, le « PIB » économétrique est la somme des prix de chaque chose vendue en France, c’est à dire le barycentre concurrentiel entre la valeur des choses pour celui qui la vend et la valeur de ces choses pour celui qui l’achète: il manque un bout de la valeur finale !

C’est ce qu’on appelle le « point aveugle du PIB« : le PIB économétrique ne mesure pas la richesse gagnée par chaque acheteur-utilisateur final de chaque chose, mais uniquement celle gagnée par tous les producteurs.

Autrement dit, le PIB économétrique est plus ou moins faux suivant la situation concurentielle globale entre acheteurs et producteurs finaux.

J’esplike: quand les français importent plus par rapport aux exportations, c’est que la richesse qu’ils gagnent en achetant (gain marginal de l’acheteur) est plus grande à l’étranger qu’en France. Ca veut dire que les prix en France sont moins intéressants: ils sont plus proches de la valeur pour l’acheteur que les prix à l’étranger, et donc ça veut dire que le « PIB » français, mesuré par les Shadoks économétriciens, devient un peu plus proche de la vérité.

Et réciproquement. Vous suivez ? Les importations font, d’une manière très relative, baisser le nombre de choses que les français vendent en France, mais la cause de ces variations (= produits français moins concurrentiels) compense un peu la baisse de « PIB » au départ, en rendant les prix plus proches de la valeur finale. Cela veut dire que, paradoxalement, la balance commerciale a tendance à suivre l’inverse de la « fausseté » du PIB économétrique.

La balance commerciale elle-même ne sert à rien de vraiment utile, à part donner un indice sur la situation de concurrence avec les autres pays (faussé par le protectionnisme). Quand un pays importe plus qu’il n’exporte, les acheteurs locaux de ces biens importés s’enrichissent plus en achetant, que les producteurs locaux en vendant. Le total de richesse créé par l’excédent d’importations, lui, n’est pas mesuré dans le « PIB » économétrique… Et donc la balance commerciale n’est absolument d’aucune utilité pour juger de l’enrichissement d’une population.

En revanche, la variation du « PIB » économétrique d’une année à l’autre peut servir, puisque le « PIB » d’il y a un an et le « PIB » de cette année seront à peu près aussi faux l’un que l’autre (si la situation concurrentielle globale ne change pas trop): la différence qu’il y a entre la mesure économétrique du PIB et le « vrai » chiffre du PIB impossible à mesurer restera à peu près la même d’une année à l’autre, proportionnellement. En langage Shadok, on dit que « l’erreur tombe juste », puisqu’on se trompe de quasiment la même proportion cette année et l’année suivante. Cette variation du PIB, c’est ce qu’on appelle la croissance économique. C’est un chiffre moins faux (puisque l’erreur tombe juste !), donc il est moins inutile.

Les chiffres moins inutiles peuvent être presque bons à quelque chose: la croissance économique donne un aperçu assez bon de la tendance à l’enrichissement d’une année à l’autre, à l’intérieur d’un territoire donné. Elle est faussée par la variation de la situation concurrentielle globale, de la même façon que le PIB est plus ou moins légèrement faussé par la situation concurrentielle globale elle-même: si d’une année à l’autre la balance commerciale change beaucoup, « l’erreur ne tombe plus aussi juste » et le chiffre de la croissance devient moins utile car plus faux.

Voilà, ce cours est terminé, vous trouverez l’aspirine sous vos sièges.

(mine de rien, j’ai réussi à caser 5 fois le mot « zizis », en comptant le titre et cette phrase)

À propos jesrad
Semi-esclave de la République Soviétique Socialiste Populaire de France.

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