Le capitalisme contre le corporatisme
mercredi 27 août 2008 2 commentaires
Si le capitalisme est la propriété privée – c’est-à-dire par des gens comme vous et moi: des individus réels et bien définis – des moyens de production, alors que quelqu’un vienne m’expliquer, siouplaît, pourquoi dans notre monde de soit-disant « capitalisme sauvage globalisé » l’essentiel de la propriété des moyens de production se trouve-t-elle aux mains de comités ou de conseils impersonnels, anonymes et collectivisés ?
Je veux bien sûr parler des comités de direction, conseils d’administrations, de C.E., de CHSCT, de cantine et bien d’autres appareils de la bureaucratie ordinaire de corporation: que ceux-ci soient publics ou privés, ils n’en restent pas moins des résidus gluants de collectivisme autoritaire.
Donc, peut-on vraiment parler de propriété privée des moyens de production, donc de capitalisme, quand lesdits moyens sont tenus en commun par toute une hiérarchie arbitraire perclue de cooptation douteuse, chapeautée par une bande de représentants élus, et siégeant en Soviets, à peu de choses près ?
C’est malheureux, mais beaucoup de gens, aujourd’hui et surtout en France, ont été dressés par leur appareil éducatif national à associer le capitalisme au corporatisme et à l’industrialisme. J’en vois ici-même, dans cet antre du libéralisme tellement extrême qu’il semble venir d’ailleurs pour envahir la Terre et manger vos petits enfants, j’en vois venir ici-même, donc, m’accuser de défendre le patron contre l’employé, et les gros intérêts collusifs contre les petits intérêts individuels éparpillés – ce qui est un comble pour qui me connaît un peu.
C’est aussi un comble de rapprocher le capitalisme de la tenue actuelle des entreprises par des bureaucraties de conseils d’élus soutenus par des sous-chefs nommés et cooptés par faveur presque aussi souvent que par compétence, parfois (ou non) divisés latéralement en toutes sortes de partis internes qu’on nomme syndicats: j’ai beau regarder, je vois plus de raisons de comparer le corporatisme au socialisme soviétoïde, plutôt qu’au capitalisme bien compris.
Pourtant je pensais avoir été clair en citant à longueur de page Saint Bellegarrigue, quand il dit que « nul ne peut représenter les intérêts, ils sont représentés par eux-mêmes« : il est évident que ça vaut aussi pour les entreprises ! Et, de fait, la représentation des intérêts des actionnaires et des employés par des soviets de gens élus à ces fonctions par leurs bases respectives introduit dans la gestion des affaires un énorme problème de principal-agent.
Qu’est-ce donc qu’un problème de principal-agent ? C’est une situation d’asymétrie d’information, en l’occurence le problème qui se pose lorsque la personne (l’agent) gérant les intérêts des autres (le principal) a beaucoup à gagner à tromper ces autres sur sa propre activité.
D’ordinaire pour résoudre ces problèmes d’asymétrie, il faut un moyen de fournir l’information manquante (Vous aussi, participez à la lutte contre les coûts de transaction ! Tous ensemble tous ens… ahem). Or, dans le cas précis, ce moyen, c’est la concurrence libre: le type qui gère vos intérêts (patron comme syndicaliste) ne va jamais vous dire qu’il les gère mal ou moins bien que d’autres, c’est plutôt celui qui veut prendre sa place qui a intérêt à vous le dire.
Aux niveaux inférieurs de l’administration, publique comme privée, qui gère une affaire donnée, c’est un type voisin d’asymétrie d’information qui s’applique: celui du principe SNoTED. Ici, la réponse à apporter est plus subtile: il s’agit de décorréler le « bâton » et la « carotte » (la rémunération, les changements de responsabilités et de missions, les avantages du C.E., etc.) de la relation au supérieur. Pour faire court, cela revient à transformer cette relation en échange libre, où chacun dispose d’une autorité égale.
Quant au niveau supérieur, celui des propriétaires de l’entreprise (actionnaires), c’est pareil: l’irresponsabilité collective s’insinue. En effet un actionnaire, dans le sens général, n’est pas propriétaire d’un élément précis et attribué individuellement de cette entreprise (un outil, un accord donné, un résultat, etc.), mais d’un pourcentage de la valeur liquide de tout l’ensemble, de manière totalement floue. Si responsabilité il y a, celle-ci se calcule et s’attribue au pro-rata des actionnaires, ce qui peut introduire encore un peu plus d’asymétrie d’information sous forme d’aléa moral (on retrouve bien évidemment ce problème même dans les formes alternatives d’entreprises, où ce sont parfois les employés qui sont en même temps les actionnaires). Pour mettre fin à cette collectivisation des torts, il n’y a pas trente-six façons de faire: individualiser les responsabilités et donc les propriétés respectives de chaque actionnaire – dans l’idéal, permettre d’acheter un bout précis de l’entreprise plutôt qu’un pourcentage du tout, en transférant explicitement et à part les responsabilités: c’est l’extension du modèle d’entreprise en nom propre, se développant sur plusieurs niveaux internes, pour remplacer le concept de société anonyme et son approche top-down.
Conclusion: le monde corporatiste manque cruellement de libéralisme – à peu près autant que le reste de la société, notez. Comme nous le souligne Dilbert quotidiennement, le lieu de travail ordinaire de l’écrasante majorité d’entre nous est un petit enfer hiérarchisé et monopoliste, pétri d’arbitraire, et dysfonctionnel du fait des quelques gros problèmes vus ci-dessus. C’est d’ailleurs pourquoi on parle, fort-à-propos, de « profession libérale » pour qualifier les travailleurs propriétaires de leurs moyens de production (ou louant directement ceux-ci sans passer par une hiérarchie), portant en leur seul nom la responsabilité de leurs décisions et traitant entre eux via des échanges libres et autres contrats d’ordre privé. Voilà où se trouve le véritable capitalisme, au lieu de ces « mottes de socialisme encombrant le marché », comme les appelle Murray Rothbard, que sont les Grrrandes Entreprises.
M. Pied, je vous présente la Fourmilière. Mme Fourmilière, voici le Pied.
Schplaf !
Ping: Le Mondaprès qui s’esquisse | Ne Cede Malis