Paix verte

Un type qui appartient à un Ordre est tout aussi susceptible de brandir l’étendard de la révolution que celui de la réaction, du moment que c’est un étendard.

Le conformiste est celui qui dit « Je crois en ceci parce que les autres y croient », tandis qu’un individualiste dit « Je crois en ceci car la raison me dit que c’est vrai, pas parce que d’autres y croient ». Mais il y a encore plus vil dans la lâcheté que le conformiste: le non-conformiste à la mode. — Ayn Rand

Mon oncle Jeb avait toujours été un homme tatillon, sec et rigide, dont la conception froide, grise et âprement misanthrope de l’existence prenait systématiquement le pas sur toute autre considération – y compris celle suggérant que cette vision du monde pourrait être erronnée. J’ai toujours eu beaucoup de peine pour ses enfants – ils souffraient en permanence de divers désordres gastriques à cause de leur régime alimentaire strictement végétarien bio, ils n’avaient jamais eu le moindre jouet fonctionnant sur pile (et ce malgré l’existence de piles rechargeables et la possibilité du recyclage des piles usées), et « s’amuser dehors » signifiait pour eux de longues heures coincés à l’arrière d’un vélo tandem derrière leur père, qu’il pleuve ou qu’il vente. Aisé financièrement mais pingre à l’excès, cet homme vivait une existence chiche de renoncement stoïque à toute forme de confort et de réjouissement, déni qu’il imposait aussi, à sa manière de censeur impitoyable et désapprobateur, à toute sa famille et leur entourage.

Aujourd’hui qu’il s’est étiolé jusqu’à ne plus être guère qu’une barbe surmontée de petits yeux pleins de jugement bigot et de ressentiment amer, je me demande s’il a jamais vraiment cru en quoi que ce soit, s’il n’a finalement été guidé, toute sa vie, que par la crainte de tout ce qui l’entourait, et par un profond sentiment d’être inadéquat, immérite et coupable d’exister – sentiments qu’il projetait par dégoût de soi sur le monde entier.

Et ils sont des milliers et des milliers de clones de mon oncle, doctement organisés, comme chez Greenpeace, à clamer vouloir non pas améliorer le monde, mais plutôt le juger, le condamner et le mettre aux fers pour, enfin, le rendre aussi étriqué, gris, froid et sec que possible, en faire le seul monde prévisible, refermé et limité que supporterait leur psyché fragile. A rechercher une « pureté existentielle » et un « monde plus simple » de totale fiction, qui n’ont jamais existé nulle part et en aucun moment de l’Histoire de la vie.

Je sais qu’il existe des écologistes rationnels, et je fais de mon mieux pour pouvoir me compter du nombre, qui peuvent accepter l’idée que les capacités de l’Homme impliquent de lui le devoir moral non pas de retourner se tapir dans une grotte, mais de gardienner, de prendre un minimum de soin et de rationnaliser aussi son environnement en maintenant un équilibre de sagesse entre les bénéfices du progrès et les dégâts de l’excès.

Malheureusement chaque message potentiellement positif de leur part est noyé par l’éructation obscène des jugements grinçants et pompeux d’éco-clowns portés par l’effet de groupe, ruinant par leur seule vocifération chaque cause valable l’une après l’autre, disposés à détourner toute trace de sanité à leur propre usage égotiste et auto-déprécateur, quitte à enterrer dans leur sillage de destruction toute raison, toute science, tout espoir et surtout tout intérêt encore présent dans le public pour l’environnement lui-même.