Qu’est-ce que le capitalisme ?

Aujourd’hui, dans notre cours d’économie aléatomadaire, nous allons démystifier… le capitalisme !

Le capitalisme, ou plus exactement la capitalisation, est l’exercice de la propriété des moyens de production de manière … productive: c’est l’usage libre des biens légitimes dans un but d’accroissement de la richesse (par opposition à la consommation des richesses). C’est une activité humaine, comme n’importe quel usage de n’importe quel bien ou service, distincte seulement par son intérêt économique.

Par exemple, un menuisier qui transforme une partie de sa production de bois usiné en outils lui servant à produire plus de bois usiné ou à réduire ses efforts par la suite fait du capitalisme. Un boulanger qui construit, achète ou loue un second four pour pouvoir faire plus de pain avec moins d’efforts est également capitaliste. Une retraitée (appelons-la Micheline) qui fait pousser des pommes de terre dans son jardin pour accroître la quantité de nourriture dont elle dispose ou pour les échanger contre autre chose est aussi capitaliste.

Dans tous ces exemples, un bien est utilisé de manière à augmenter la productivité: il devient ce que l’on appelle un bien de capital ou capital productif. Un paysan qui dispose d’un champ de dimensions données produira plus de nourriture (= la dissipation sous forme d’entropie sera bien moindre) dans le même temps et avec moins d’efforts s’il dispose d’engrais, de plants plus vivaces, d’outils mécanisés et de « recettes » pratiques, toutes choses qui constituent un capital productif significatif pour l’agriculture.

D’où vient la richesse en plus « créée » par le bien de capital ? Il faut bien que quelqu’un ou quelque chose fasse ce travail supplémentaire, non ?

L’accroissement de productivité fournie par un bien de capital est toujours une plus grande efficacité en terme d’entropie générée: l’utilisation en tant que bien de capital est destinée à réduire la quantité d’entropie produite par une activité donnée. En clair, il n’y a pas de « travail en plus », il y a juste moindre gaspillage d’où une plus grande efficacité de la même « quantité » de travail. Imaginez par exemple notre menuisier essayer de scier son bois avec les dents plutôt qu’avec une scie: il économise le prix de la scie, mais dépense beaucoup plus d’efforts et de temps, use ses dents et ses articulations: il dissipe de la chaleur et de l’eau (sueur) ainsi que la matière de ses dents et cartilages, ça en fait, de l’entropie en plus pour le même résultat… Pareil pour Micheline et ses patates: elle pourrait laisser de la terre battue nue absorber le soleil à la place de plants de pomme de terre, au final cela dégagerait juste plus de chaleur et de vapeur d’eau tout en réduisant moins le taux local de gaz carbonique et sans concentrer plus de nutriments minéraux; tout cela ferait plus d’entropie avec la même matière et le même ensoleillement.

Si la civilisation humaine toute entière, voire la vie elle-même sur cette planète, peut être interprétée comme une lutte permanente contre l’entropie, bâtie toute entière sur l’utilisation de flux d’énergie (la lumière du Soleil s’abattant sur la surface de la Terre, principalement), tel un saumon remontant perpétuellement le courant d’un torrent infini pour pouvoir continuer à respirer et frayer, alors le capitalisme est, directement, l’expression de la vie: c’est faire le maximum avec une quantité limitée de temps, d’énergie et de matière, pour perpétuer l’existence sur le long terme.

Mais pourtant, l’accumulation d’argent ne permet pas d’améliorer la moindre efficacité entropique réelle ?

Bien vu ! C’est précisément pour ça que l’argent n’est pas un bien de capital en soi: c’est seulement son utilisation pour stimuler la production de biens de capital qui provoque, indirectement, une augmentation de la productivité. A tout moment, c’est le propriétaire d’un bien qui décide de son utilisation productive ou de sa consommation, suivant ses choix, et cela personne ne peut y faire quoi que ce soit, aussi riche d’argent soit-il. Inversement, l’usage productif d’un bien n’implique pas nécessairement de dépenser ou d’engager de l’argent, mais seulement de la richesse.

Mais alors, seuls les riches peuvent faire du capitalisme !

Fort heureusement nous sommes tous assez riches pour ça, puisque nous sommes tous capables de travailler, dans une mesure qui varie largement d’un être à l’autre: le travail est la capacité à créer de la richesse, notre temps limité de vie est une richesse elle aussi, et peut être échangée librement au mieux de nos intérêts à chacun. Et plus l’efficacité de ce travail augmente, plus ceux qui disposent d’une moindre capacité (ou envie) de travail peuvent subvenir à leurs propres besoins par ce travail.

Qui a eu le premier l’idée du capitalisme ?

C’est probablement le premier homme préhistorique qui a trouvé plus intelligent d’utiliser les restes de viande de la veille comme appâts pour la pêche plutôt que comme maigre amuse-gueule.

Mais on trouve aussi des exemples de capitalisme dans le monde animal (corneilles australiennes fabriquant des outils perfectionnés pour attraper les larves d’insectes, fourmis faisant des élevages de pucerons, etc…), voire végétal (arbres sacrifiant une partie de leur aubier pour cultiver des bactéries fixant l’azote).

De manière générale, il y a un choix à faire entre l’usage productif et la consommation de nos richesses, et ce choix est différent pour chacun d’entre nous. « Capitalisme » désigne juste ce qui augmente la création de richesse (on dit qu’il est profitable), tandis que « consommation » désigne ce qui dissipe ou détruit de la richesse, mais en fin de compte l’un ou l’autre peuvent être confondus. Par exemple boire une bouteille de vin peut être un acte d’investissement plus productif que de laisser vieillir ce vin puis de le revendre plus cher (demandez à Gainsbourg). C’est pourquoi une personne peut tracer une ligne entre capitalisme et consommation, mais que cette ligne ne sera jamais la même pour tous. Donc, le capitalisme n’est pas une catégorie d’action définie de manière absolue.

Est-ce que le capitalisme est légitime, éthique ou moral ?

Le capitalisme est juste une catégorie d’action humaine, au même titre que la marche à pied, la méditation Zen ou l’usinage sur tour numérique. L’usage libre (= respectant la liberté en général, dans son sens absolu) de toute propriété légitime est nécessairement légitime. Maintenant, si la propriété elle-même n’est pas légitime au départ, son usage ne l’est pas non plus, y compris son usage productif. Dans le cas de propriété volée par un état, on parle de capitalisme d’état ou de servage, et dans le cas de propriété volée par un individu on parle de recel.

L’usage d’une propriété dans un but productif (comme dans tout autre but) est éthique quand il respecte le critère universel de ce même usage: la liberté étant le droit de n’obéir qu’aux règles extérieures consenties, on n’agit pas librement quand on restreint le droit de l’autre à agir librement, ce serait une contradiction flagrante: agresser quelqu’un n’est pas un acte libre, mais au contraire viole la liberté en général. Pour être éthique, le capitalisme doit respecter ce critère. Et une manière simple de respecter ce critère est de suivre les principes éthiques libertariens, qui définissent de manière non-ambigüe et non-rivale les droits de chacun en tout temps et en tout lieu.

En clair: le capitalisme est légitime quand il est pratiqué sur une base de propriété légitime, il est moral et éthique quand il répond à des critères moraux et éthiques universels. En fin de compte, comme pour n’importe quel acte, sa moralité et sa légitimité ne sont qu’un reflet de la moralité et la légitimité de celui qui l’exerce.

À propos jesrad
Semi-esclave de la République Soviétique Socialiste Populaire de France.

5 Responses to Qu’est-ce que le capitalisme ?

  1. aramis bellegarde says:

    peut on affirmer que les pays pauvres sont les pays les plus capitalistes au monde du fait du developpement acceléré et même exagéré de l’initiative privée pour la plupart informelle à cause du taux de chomage très élevé et de l’incapacité de l’Etat,et des pouvoirs publics de ces pays à répondre convenablement à leurs obligations envers la population
    ( j’attends vos commentaires) merci

  2. jesrad says:

    Vous avez déjà mis le pied dans un pays du tiers-monde du type dont vous parlez (pas ou peu de libertés individuelles, règne de la loi du plus fort, etc…) ? Il y a des barrages routiers partout, tout est contrôlé, pesé, vérifié, administré par des fonctionnaires nababs et corrompus. L’état pourrit la vie de ses citoyens, là bas, les spoliations au profit de parents ou amis de membres du pouvoir exécutif sont courantes, et les monopoles d’état pullulent. Et n’oublions pas les fonds d’aide internationale, joyeusement détournés pour acheter des voitures de luxe et des palais… quelle épargne productrice !

    Capitalistes, ces pays ? Et mon cul, c’est du poulet ? Ces pays-là, qui ne suivent à peu près aucun des principes du libéralisme, sont à la traîne aujourd’hui. Le pire d’entre eux, à l’heure actuelle, je crois que c’est le Zimbabwe. Et, curieusement, c’est l’un des pays où les gens sont les plus malheureux au monde et où la croissance est fortement négative.

    Le seul pays qui pourrait correspondre à votre vision est la Somalie, où l’absence d’état a permis au secteur privé de prendre le relais et construire routes, centrales électriques, réseaux téléphoniques et circuits de distribution d’eau potable. Voir à ce sujet le rapport de la Banque Mondiale

    Après, il y a les pays du tiers monde où l’état fout la paix à ses citoyens et se contente de garantir leur sécurité. Ceux-là, curieusement, progressent très très vite et leur taux de chômage s’est écroulé. Pour en savoir plus sur ce qui fait se développer les pays du « Sud » et ce qui les bloque, lisez l’excellent livre du Dr Montenay: « Le mythe du fossé Nord-Sud ».

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  4. safia says:

    Je vous remercie pour cette page wb qui m’a permis de comprendre clairement ce qu’est le capitalisme car on en entend très souvent parler (surtout dans la situation actuelle) mais il n’est pas aisé d’en comprendre même la notion fondamental.Merci.

  5. jesrad says:

    Je vous en prie 🙂

    Il y a une autre manière de comprendre le capitalisme (sans en changer le sens): on peut le décrire comme la prise en compte du passage du temps dans nos choix économiques.

    Il y a trois façons d’appliquer le passage du temps en économie: considérer les variations de consommation et de production dans le temps (spéculation), compter des coûts qui risquent de s’appliquer proportionnellement à leur probabilité d’arriver (assurance), ou faire des efforts maintenant dont les résultats ne seront obtenus que plus tard (investissement profitable: capitalisme tel qu’on l’entend souvent).

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