Mythologie socialiste: la « violence du capitalisme »

Cette semaine, dans notre cours de praxéologie aléatomadaire, nous allons étudier divers mythes et légendes d’origine socialiste. Aujourd’hui, voyons les stupéfiantes accusations proférées à l’égard du capitalisme.

Il paraît donc, à lire certains socialistes, que cette chose qu’ils appellent « le capitalisme » sans jamais la définir serait responsable de la pauvreté du tiers-monde, de « l’exploitation » des salariés, de l’accroissement du fossé entre Nord et Sud… Il y en a même qui lui collent sur le dos à la fois l’esclavage des noirs par les Européens et la colonisation, ce qui est un grand écart logique fichtrement impressionnant quand on sait que la colonisation avait précisément pour but de mettre fin à l’esclavage (sans compter que ni l’un, ni l’autre n’ont à voir avec le capitalisme, mais tout à voir avec le nationalisme, le paternalisme catholique, et le racisme). Bref, chaque fois qu’il se passe quelque chose de mal dans le monde, que ce soit un tremblement de terre, la chute des cheveux ou le SIDA, vous pouvez être sûr qu’il y aura un socialiste français pour accuser « le capitalisme ».

Mais au fait, qu’est-ce que c’est, le capitalisme ?

En réalité, le capitalisme est une façon d’introduire le temps dans le calcul économique. Il y a trois façons d’appliquer le passage du temps en économie: considérer les variations de consommation et de production dans le temps (spéculation), compter des coûts qui risquent de s’appliquer proportionnellement à leur probabilité d’arriver (assurance), ou faire des efforts maintenant dont les résultats ne seront obtenus que plus tard (investissement profitable: capitalisme tel qu’on l’entend souvent).

Exemple concret: Monsieur A, agriculteur bricoleur, dépense son temps et ses efforts pour fabriquer une charrue, au lieu d’augmenter un peu sa quantité de pommes de terre, un effet qu’il pourrait obtenir par les mêmes efforts. Avec cette charrue, il lui faut par la suite beaucoup moins de temps et d’efforts (une économie de temps et d’efforts qui dépasse ce qu’il lui a fallu pour fabriquer la charrue) pour obtenir des récoltes de céréales.

C’est un exemple d’investissement profitable. Mais ce n’est qu’une façon directe, sans échange, de pratiquer le capitalisme. Ainsi, après avoir labouré son champ, Monsieur A peut aller voir Monsieur B, son voisin et tout aussi agriculteur, pour lui prêter sa charrue et lui faire économiser, à lui aussi, son temps et ses efforts pour ses récoltes. En échange il demande une petite partie de cette récolte, si Monsieur B considère que cela vaut le temps et les efforts économisés. En clair: l’usage de la charrue est échangé contre une part du gain de temps et d’efforts (c’est de là que vient le profit), elle-même échangée contre du grain.

Où est la « propriété privée des moyens de production », ainsi qu’on définit parfois le capitalisme ? C’est très simple: les conditions de l’échange entre l’usage du moyen de production, et le partage du profit réalisé sous forme de gain de temps et d’efforts, impliquent que celui qui procède au prêt est seul à décider de l’usage de son bien. Il doit donc en être propriétaire.

Un peu comme le feu utilisé depuis des millénaires par l’homme alors qu’il n’a une connaissance précise de ses réactions chimiques exothermiques de combustion que depuis le XVIIIème siècle, le capitalisme est donc pratiqué par l’homme (et de nombreuses autres créatures) depuis des millénaires alors qu’il n’en a formalisé le fonctionnement que depuis le XIXème siècle environ. Et de la même façon pour le feu et pour le capitalisme, comprendre de manière rationnelle leur fonctionnement permet d’en faire un usage bien plus efficace.

Question subsidiaire: où est la violence dans tout ça ?

Ben oui, échanger librement des économies futures de temps et d’efforts contre le prêt d’outils (on les appelle des biens capitaux) permettant ces économies, ça n’a aucun rapport avec des gens qui meurent de faim ou sont asservis par d’autres.

D’ailleurs, regardons d’un peu plus près le tiers-monde: dans ces pays, les plus grandes causes de mortalité ne sont pas un excès de libre échange et de location d’outils. Non, ce qui tue dans ces pays, ce sont les guerres (civiles ou pas, motivées par une volonté « d’épuration ethnique » ou des motifs religieux fondamentalistes ou même des exigences d’autonomie politique), les rapines (la mise en coupe réglée des populations désarmées par les forces armées des différents morceaux d’états ou autres mafias qui se battent pour le monopole de la violence sur un territoire donné) et les conditions d’hygiène.

En bref: quand un socialiste vous parle des « méfaits du capitalisme », il vous parle en fait surtout des méfaits de l’usage de la violence dans les rapports humains (vol, meurtres, esclavage, etc…), et le capitalisme n’est que le prétexte facile sur lequel le blâme retombe. Pourquoi un tel aveuglement ? Parce que c’est bien plus gratifiant et facile de blâmer ses adversaires idéologiques que de se remettre en cause. En effet, il est difficile pour un socialiste autoritaire de prétendre faire le bonheur des masses par l’usage de la force étatique si en même temps on doit reconnaître que, partout où elle est utilisée, cette force cause des dégâts énormes. C’est pour ça qu’ils préfèrent détourner leurs attaques contre ceux qui s’opposent à l’usage de cette même force (les libéraux), en s’en prenant à une chose que ces derniers considèrent légitime et à laquelle ils s’opposent (le capitalisme).

Etrange bifurcation du sens moral: la position socialiste française typique est perpendiculaire à celle du libéral. Au lieu de diviser le juste et l’injuste par rapport à l’usage de la force, comme le fait le libéralisme, suivant qu’il défend les droits naturels et imprescriptibles des individus ou au contraire les piétine, le socialisme français sépare les deux suivant que cet usage de la force permet ou empêche la pratique du capitalisme, selon un axe qui n’a plus rien à voir avec les droits de l’homme ou l’isonomie. Dans ces conditions, comment s’étonner que tous ces gens aient pu acclamer ou défendre, tour à tour au cours du XXème siècle, des gens comme Lénine, Staline, Mao, Pol Pot, Castro, Guevara, et aujourd’hui Chavez ?

Une autre façon courante qu’ont les socialistes d’attaquer le capitalisme, c’est de dire que celui qui prête se prive de l’usage de ce qui lui appartient et n’en a, finalement, « pas besoin ». Et de là, par un impressionnant saut lacantique, ils s’autoproclament justifiés à « réquisitionner » (=voler) ce bien. C’est un raisonnement circulaire (encore un): s’il s’en passe, alors il peut s’en passer, donc on peut lui prendre. Et comme tous les raisonnements circulaires socialistes, c’est faux et ça passe complètement à côté du pourquoi et du comment on est arrivé à la situation donnée. En effet, si celui qui investit en prêtant avec intérêt (profit) son bien en est venu à être propriétaire de ce bien, c’est forcément pour une raison: on n’agit pas sans but. Si je construis une seconde maison alors que j’en ai déjà une, ce n’est pas parce que je suis « accro au travail » (je vous jure avoir rencontré un libertaire, supporter de José Bové, qui m’a soutenu cette explication), c’est d’abord parce que je suis capable d’en construire une (tout le monde ne l’est pas, et pourtant il faut bien que quelqu’un s’en charge), et surtout parce que je sais que cette maison « superflue » peut être utile à quelqu’un d’autre: cette utilité, cette valeur donc, nous pourrons alors nous la partager, ce qui sera profitable à celui à qui je prêterai la maison (qui aura un toit sans avoir eu à le bâtir) et à moi (qui obtiendrai une part de cette valeur en récompense de mes efforts « que je n’avais pas besoin de fournir »). Quand ils balaient d’un revers de sophisme la recherche de profit en tant que « besoin », les socialistes effacent en fait de leur modèle de société l’utilité pour l’autre, et dynamitent donc la seule chose qui pousse vraiment à la création massive de richesses: la motivation d’avoir quelque chose à gagner à rendre service à l’autre en faisant ce qu’on peut faire mais dont on n’a pas besoin, qu’il ne peut pas faire mais dont il a besoin.

Là encore, la violence est remarquablement absente du capitalisme. C’est même le contraire qu’on y trouve quand on cherche: l’entraide et la coopération sociale (on appelle catallaxie ce mécanisme émergent de convergence des intérêts individuels, décrit en détail par Ludwig von Mises il y a presque un siècle).

Encore une question: d’où vient la pauvreté ?

Nous venons au monde totalement pauvres, avec pour seule possession légitime notre corps, notre vie et notre liberté. C’est un fait naturel. Heureusement, ceux qui nous ont précédé ont eu l’occasion d’accumuler plus ou moins de richesses qu’ils nous prêtent ou louent, et grâce auxquelles nous pouvons, à notre tour, subvenir à nos besoins plus facilement (= en économisant grandement nos efforts et notre temps). La pauvreté est donc une condition naturelle de départ pour l’humanité toute entière, et nous nous éloignons de cet état seulement par nos efforts, ajoutés au résultat accumulé des efforts de nos ancêtres.

La pauvreté n’est donc pas « causée ». C’est en fait la prospérité qui est rare, et causée par nos actes. Pendant des millénaires la pauvreté de masse a été la norme, et c’est seulement depuis une paire de siècles, quand nous avons commencé à vraiment comprendre comment combattre la pauvreté par le progrès économique, que nous avons pu envisager de nous en libérer. Les pays « riches », c’est-à-dire moins pauvres, ne sont pas coupables de la pauvreté qui reste dans le monde, ils sont seulement « coupables » de leur propre sortie de la pauvreté. Regardons le monde tel qu’il est réellement aujourd’hui: les pays asiatiques se sont sortis du dénuement en appliquant les recettes qui avaient marché pour l’Occident. Aujourd’hui, il n’y a plus de vrai fossé Nord-Sud, remplacé par un fossé entre les pays du tiers-monde qui stagnent parce qu’ils se maintiennent dans la pauvreté par la violence, et les pays du tiers-monde qui nous ont presque rattrapé en quelques décennies. C’est là le seul vrai fossé qui reste à combler.

À propos jesrad
Semi-esclave de la République Soviétique Socialiste Populaire de France.

12 Responses to Mythologie socialiste: la « violence du capitalisme »

  1. mucharaziv says:

    la conclusion est grotesque… les pays riches le sont devenus grâce à la violence de son impérialisme, et les pays pauvres d’aujourd’hui se font étouffés par la politique économique occidentale qui ne désire pas que les lignes bougent, un raisonnement digne d’une information médiatique sioniste, qui prend les masses pour un vulgaire troupeau ovin

  2. jesrad says:

    Mais bien sûr ! Quelle argumentation imparable ! Et c’est sûrement à cause des pays « riches » (= moins pauvres) que des pays comme le Zimbabwe s’appauvrissent, et pas à cause des despotes sanguinaires qui les oppriment, hein ?

    Il n’y a pas de « politique économique occidentale », il y a plein de politiques anti-économiques tenues par des tas de gouvernements, occidentaux ou non, qui empêchent des tas de gens, qu’ils soient en Afrique ou pas, de se sortir de la pauvreté. Ce que vous dénoncez comme « impérialisme », c’est en fin de compte le nationalisme et le racisme des « élites » qui posent des barrières aux hommes et aux biens à chaque frontière.

  3. Jean-Michel says:

    Je crois que l’auteur devrait s’instruire davantage et prendre conaissance des textes de Joel Balkan, Joseph Stiglitz et autres économistes de la vieille école qui font volteface en ce qui concerne le capitalisme.

    Dans le texte ci-haut, on oublie d’énoncer la règle de base du capitalisme : Toutes actions dans l’entreprise (et plus spécifiquement la forme corporative) doit être orienter en fonction de maximiser l’avoir des actionnaires.

    C’est à cette doctrine que l’on doit le dérapage du capitalisme. Et notez bien, le fait de constater l’échec du capitalisme (car il s’agit bien d’un constat) n’implique pas que nous sommes de sales socialistes. Le défi de la génération des 18/35 sera d’imaginer le système qui remplacera celui qui a enrichi au dépend des masses populaires tant d’homme avec plus ou moins de scrupules.

    Plus a suivre …

  4. jesrad says:

    Non, c’est au dérapage de l’état qu’on doit la crise actuelle. Et malheureusement c’est toujours la même rengaine à chaque fois, les mêmes « solutions » et donc, les mêmes effets qu’il faut attendre… Chaque intervention crée sa crise à retardement, qui justifie une nouvelle intervention, qui entraîne une nouvelle crise, etc…

    Vous devriez vous instruire, en commençant par la philosophie athénienne, en embrayant sur l’histoire du Moyen-Age, puis l’histoire industrielle et économique des XIXème et XXème siècle, puis l’histoire du droit en Europe, ajouter aussi au passage les traités d’économie de l’Ecole « Autrichienne », histoire de faire tomber les masques de vos idoles.

  5. Martini says:

    « Je crois que l’auteur devrait s’instruire davantage et prendre conaissance des textes de Joel Balkan, Joseph Stiglitz et autres économistes de la vieille école qui font volteface en ce qui concerne le capitalisme. »

    Et vous, vous devriez apprendre à ne pas croire tout ce que vous racontent les bonimenteurs qui vendent du papier et leurs systèmes de croyances.

  6. Julito says:

    « Je crois que l’auteur devrait s’instruire davantage et prendre conaissance des textes de Joel Balkan, Joseph Stiglitz et autres économistes de la vieille école qui font volteface en ce qui concerne le capitalisme. »

    Un des intérêts de ce blog, est qu’au contraire, il est très renseigné et « instruit ». Pour chaque analyse, des sources sont citées, ce qui n’est pas toujours le cas des textes ou commentaires des donneurs de leçon anti-capitalistes !

    « Et notez bien, le fait de constater l’échec du capitalisme (car il s’agit bien d’un constat) »

    Ah bon ? Quels sont les faits qui étayent votre constat et nourrissent votre analyse bien tranchée ? J’ai plutôt l’impression que vous ne faites que donner votre avis, dont personnellement, je n’ai pas grand chose à faire. Pour moi le capitalisme se porte très bien !

  7. jesrad says:

    Au fait, Jean-Michel, votre sacro-saint Joseph Stiglitz ferait bien de se rappeler des joyeux conseils qu’il donnait en 2002, prétendant que les prêts hypothécaires étaient sains et que le risque d’une faillite de Fannie Mae / Freddie Mac était « d’une chance sur 500 000 ».

  8. Mucharaziv says:

    Jesrad, et bien d’accord considérons que c’est a cause des despotes sanguinaires qui ne partagent pas les richesses avec les peuples, africains par exemple, que la misere persiste… je ne suis pas défenseur des peuples, dans la vie on récolte ce que l’on seme, donc la fainéantise intellectuelle est a prendre en compte aussi dans ce sous-developpement,

    mais alors pourquoi quand une politique nationaliste emerge, les services secrets occidentaux se précipent pour en élimner le chef de file ? (Edi Amin, Sankara, Nasser, Saddam, Chavez…)

    il y a tellement d’exemples encore !!

    je suis tout a fait en accord avec toi que les gouvernements totalitaires de ces pays « collaborent » economiquement et politquement avec ceux meme a qui ils rejettent la faute du developpemet au ralenti mais il ne faut pas accuser que d’un coté

  9. jesrad says:

    « mais alors pourquoi quand une politique nationaliste emerge, les services secrets occidentaux se précipent pour en élimner le chef de file ? (Edi Amin, Sankara, Nasser, Saddam, Chavez…) »

    Peut-être parce que dans « nationalisme » ces joyeux drilles que sont Chavez, Amin Dada (l’inventeur de la célèbre recette de l’ambassadeur sauce grand veneur), Nasser et autres, ils entendent « nationalisation », ce qui signifie aussi « expropriation forcée » et n’est jamais qu’une forme de vol parmi bien d’autres: un crime. Crime dont l’ampleur motive souvent une riposte.

    Soit dit en passant, ni Saddam ni Chavez n’ont été éliminés par des services secrets.

  10. mucharaziv says:

    – ils entendent “nationalisation”, ce qui signifie aussi “expropriation forcée” et n’est jamais qu’une forme de vol parmi bien d’autres: un crime. ) –

    ne mélanges pas tout, l’expropriation forcée est légitime, surtout quuand le business s’est installé par la force du colonialisme… (algerie, iran, irak, libye etc) donc la nationalisation n’est qu’une forme de justice apres tout…

    vous nous avez colonisés comme des rats, on vous degage et vous prend vos affaires… la libye a bien fait de nationaliser non ? les italiens leur ont pas demandé leur avis pour les assujettir dans le passé

  11. jesrad says:

    « l’expropriation forcée est légitime, surtout quuand le business s’est installé par la force du colonialisme… »

    Dans ce cas c’est une réappropriation, mais elle n’est légitime que si elle s’effectue à l’initiative et au bénéfice des lésés ou leurs héritiers (exemple: les bushmen du Kalahari). Or, ce n’est pas le cas dans les exemples cités. Par exemple, Mugabe se sert de la colonisation du pays comme excuse pour exproprier les blancs… et refiler les terres à ses potes ! Pareil avec Chavez, et ses petits copains (roulant en gros Hummers) qui récupèrent de grandes haciendas pendant que les héritiers des éventuels spoliés d’origine, eux, n’ont que leurs yeux pour pleurer (et paient les impôts et les taxes qui financent cette parodie de justice).

    Les ressources nationalisées sont trop souvent gaspillées pour cause de collectivisation des irresponsabilités.

  12. noack says:

    [ad hominem dénué d’argumentation]

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