Le marché libre est-il démocratique ?

Aujourd’hui, dans notre cours de praxéologie aléatomadaire, nous allons tenter de répondre à une question qui résume à elle seule la totalité des interrogations des Français vis-à-vis du libéralisme… celle de savoir si le marché libre est démocratique !

Pour répondre à cette question, intéressons-nous aux critères qui satisfont à la « souveraineté au peuple »: liberté universelle, égalité de droit et subsidiarité.

C’est une critique assez courante parmi les gauchistes que de comparer marché et élection, car ils s’empressent généralement, arrivés là où nous en sommes maintenant, de dire que le marché « donne aux riches plus de pouvoir qu’aux pauvres » et ne garantirait pas que la souveraineté appartienne au peuple. Voyons comment le fonctionnement du marché répond aux critères démocratiques, comparativement au suffrage universel:

0) Tout le monde peut participer au marché libre, puisque tout le monde a le droit de dépenser l’argent qu’il a ou proposer ses services ou ses biens à la vente.

Seuls ceux qui possèdent la « nationalité » locale, ont plus de 18 ou 21 ans, n’ont pas été dépouillés de leurs droits civiques et se sont inscrits suffisamment tôt sur les listes électorales ou auprès des administrations ad hoc – voire ont reçu suffisamment de parrainages de la part de ceux qui ont déjà « gagné » aux élections – ont le droit de participer au suffrage universel.

Sur l’égalité de droit: avantage au marché.

1) Chaque élément de transaction, même le plus insignifiant, participe à promouvoir et modeler les décisions prises sur le marché. Les choix différents de chacun affectent tous la marche des évènements à hauteur de leur importance.

Chaque vote qui n’est pas allé à la plus grosse minorité est gaspillé et ignoré dans la détermination des actions résultant du suffrage universel.

Sur la subsidiarité: avantage au marché.

2) On peut participer n’importe quand au marché, partout, tout le temps, mais seulement avec ceux qui souhaitent participer.

On ne peut participer au suffrage universel qu’à des moments arbitrairement décidés par des procédés s’appuyant indirectement sur le suffrage universel.

Sur la liberté universelle: avantage au marché.

3) Pour disposer d’une influence plus importante sur le marché libre, il est nécessaire de rendre des services plus importants auprès des autres: l’argent dépensé doit d’abord être gagné, ainsi celui qui achète se fait automatiquement le mandataire de celui à qui il a vendu, et celui qui peut agir massivement sur le marché libre est aussi toujours celui que les autres soutiennent massivement.

Dans le suffrage universel, il y a une voix par personne, pas plus, renouvelée à chaque élection quoiqu’il arrive.

Sur l’égalité de droit: égalité.

4) L’argent dépensé ne peut pas être réutilisé: tout riche qui « vote » massivement devient immédiatement plus pauvre d’autant et perd donc son « pouvoir » proportionnellement à l’usage qu’il en fait. Et son argent a nécessairement dû être gagné au préalable: il a donc dû rendre des services que les autres ont approuvé en « votant » massivement pour lui.

Cela fait que pour rester riche dans un marché libre il faut impérativement recevoir des « votes », encore et encore, à mesure qu’on s’en sert. Ceux qui n’agissent pas dans l’intérêt des autres s’appauvrissent et perdent l’essentiel de leur influence sur les décisions qui sont prises. Ceux qui agissent dans l’intérêt des autres sont soutenus par eux.

Comme l’argent, qui est ici le moyen de « vote », passe d’une main à l’autre, cela fait de celui qui a de l’argent le mandataire partiel de celui qui a « voté » pour lui auparavant. De plus, cette façon de « voter » avec plus ou moins de « voix » pour chaque façon de faire qu’il est possible d’essayer permet à toutes sortes d’opinions divergentes voire incompatibles de coexister en même temps. Cela permet d’éviter qu’une grosse minorité impose sa volonté à toutes les autres sans échappatoire. Mieux encore, cela permet de ne mobiliser sur une « décision démocratique » que ceux qu’elle concerne, les autres n’ayant pas à en subir les conséquences.

Avec le suffrage universel, même ceux qui ne veulent pas participer sont soumis à la décision finale. Le pouvoir à disposition de l’élu est utilisable à volonté jusqu’à l’élection suivante.

Sur la subsidiarité: avantage au marché, à nouveau.

Le marché est donc plus démocratique que le suffrage universel… En fait, le suffrage universel semble une piètre tentative d’imitation du fonctionnement de la catallaxie.

À propos jesrad
Semi-esclave de la République Soviétique Socialiste Populaire de France.

14 Responses to Le marché libre est-il démocratique ?

  1. jesrad says:

    Bof, en fait il y a parfois des résultats surprenants quand on regarde de près. Par exemple une utopie communiste a l’égalité de droit (à peu près aucun pour personne, ou plus exactement les droits d’une personne sont distribués à toutes les autres) et presque la liberté universelle (il faut demander l’avis de tout le monde pour faire quoi que ce soit mais rien n’est théoriquement interdit), mais pêche en subsidiarité (zéro absolu).

  2. jesrad says:

    Ah, et au cas ou un gauchiste altercomprenant passerait par là: j’entends « marché libre » dans le sens praxéologique, soit l’ensemble des interactions humaines non-agressives.

  3. Leepose says:

    J’ai lu le fil un peu rapidement, mais on ne peut pas nier que dans une économie capitaliste, l’argent va a l’argent, dans une large mesure. C’est quand meme un des reproches les plus sérieux auquel s’expose notre systeme économique.

    Ca n’a peut etre pas grand chose a voir avec la question du libéralisme, mais dans l’esprit des gens, c’est trés lié.

  4. jesrad says:

     » dans une économie capitaliste, l’argent va a l’argent »

    Non. Les salaires dépassent très largement les dividendes.

  5. Leepose says:

    Mon cher Jesrad que j’aime (je suis en grande forme)

    Ce que tu me dis là ne change rien a mon propos. Je dis juste qu’il est toujours plus facile de gagner de l’argent quand on en a déja au départ. C’est ce que veux dire le proverbe « l’argent va a l’argent ».

    Et le fait que ca soit d’une banalité affligeante ne change rien au probleme non plus.

    C’est trés choquant avec le marché immobilier, et sa forte hausse ces dernières années, par exemple. Facile de devenir rentier quand on est déja riche.

    PS : je n’ai pas pris ma carte du PC. Toutes ses considérations ne m’empechent pas d’etre libéral jusqu’au bout des ongles a mon sens.

    a+ jesrad

  6. jesrad says:

    C’est sûr, c’est facile de rester riche quand on est riche 🙂 D’autant plus qu’on peut rendre de fameux services (plus on rend service dans un marché libre, plus on s’enrichit) quand on a accumulé beaucoup sans dépenser pour soi… à condition que les richesses réelles suivent, et c’est ce que je voulais dire par ma remarque un peu lapidaire: celui qui possède un gros tas de fric – parce qu’il ne l’a pas dépensé dans son intérêt pour l’instant – dépend de la volonté des autres de s’enrichir eux aussi. Impossible de faire ça tout seul, impensable de faire se multiplier l’agent avec de l’argent comme ça, il y a toujours, quelque part, quelqu’un qui rend service ou qui profite d’un service et voit son existence améliorée. À ce sujet des tas d’auteurs libéraux ont déjà écrit bien assez et bien mieux que moi (sinon, j’ai deux articles sur la spéculation et la bourse).

    Note: pour l’immobilier, je suis bien d’accord 😦 La dernière frappe chirurgicale c’était la mise en place de nouvelles normes d’ascenseur. Pour nous simples copropriétaires de base d’un appartement en banlieue, ça fait 1500 euros par trimestre pour la rénovation de trois cages complètes. Et ce n’est pas fini… Il paraît que l’état planche sur de nouvelles normes d’isolation, histoire d’augmenter encore un peu la chèreté de la construction sans demander l’avis de personne. Combien de civils arrivent encore à se maintenir hors de l’eau tout en payant le coût sans cesse croissant d’être propriétaire en France ?

  7. Leepose says:

    Oui… L’air de rien, cette affaire là porte un tort considérable au libéralisme, alors que les libéraux sont les premiers, voire les seuls, a comprendre la différence entre capitalisme et libéralisme.

    Difficile de convaincre dans ces circonstances.

    Chacun est convaincu qu’il suffit d’acheter des actions ou des biens immobiliers pour s’enrichir. Pendant que le commun des mortels se casse le cul pour gagner le SMIC.

    En fait, une des clés du probleme est sans doute que les problemes économiques sont vécus avec d’autant plus d’acuité que la situation économique « moyenne » est dégradée.

    Encore une autre banalité, mais elle donne plus d’espoir.

    Plus la société est globalement propspère, mieux les problemes économiques sont vécus, assumés et dépassés.

    Avouons que c’est rageant, pas besoin de le nier, ça nous fait un tort considérable.

  8. jesrad says:

    Peut-être qu’il faudrait donner plus de visibilité aux libéraux précaires ? Trouver l’angle d’attaque et les mots simples pour expliquer aux gens quel est leur vrai problème ?

    On se bat contre l’irrationnel… Les gens qui se sentent menacés, déprimés ou coincés ont beaucoup plus tendance à vouloir croire au merveilleux, comme cet état redistributeur qui ferait jaillir de ses mains l’abondance, ou comme ce mythe fabuleux du gagnant au Loto/PMU, ou encore « l’autre monde possible » si flou où tout irait tellement mieux. C’est triste à dire, mais je me dis que ce n’est pas un leader politique, mais un messie, qu’il leur faudrait.

  9. Mirr says:

    Bonjour, ici.
    J’ai trouvé votre article par google et je suis un des affreux gauchistes dont vous parlez un peu ici =)
    J’ai entamé une petite critique de cet article (entre autres), dont je vous met le lien ici :
    http://mirr.over-blog.org/article-11446539.html

    Soyez indulgents : c’est le premier article économique que j’écris de ma vie … Et puis je pense qu’on peut débattre en toute sérénité (enfin si vous vous donnez la peine de lire et de répondre à mon article ^^).
    La critique de votre article, comme vous le constaterez, ne concerne que la première partie de mon article, la seconde étant consacrée à une vision que vous jugerez sûrement paranoïaque du marché.
    A bientôt j’espère,
    P.A. / Mirr

  10. jesrad says:

    Wouah, c’est le début de la gloire !

    Vous ne devriez pas tant prendre au sérieux mes divagations 😉

  11. Mirr says:

    C’est quand même intéressant pour un gauchiste comme moi de voir le point de vue libertarien/libéral des choses ^^ Et d’en faire la critique.

  12. Martini says:

    Quelle était la question ?

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