La Liberté en pratique

Pour une fois, au lieu de vous saoûler avec des considérations théorico-philosophiques sur la liberté, je vais vous bassiner avec les effets pratiques de la liberté.

0) Islande:
De 932 à 1262, l’Islande a connu une période ininterrompue de croissance, de paix et de prospérité, menant à l’apparition d’une culture littéraire reconnue et sophistiquée. La société islandaise de l’époque était en effet extrêmement libre, surtout comparée aux autres nations de l’époque: pas de pouvoir central, ni exécutif, ni judiciaire. La loi commune, discutée en public tous les ans à l’Althing de manière très souple (mémorisée, et non écrite: essayez de faire ça aujourd’hui en France !), était appliquée par tous ceux qui le souhaitaient: il leur suffisait d’acheter une charge de « Chef » et de se trouver des clients. Des clients ? Oui, des clients: quand un islandais causait du tort à un autre et refusait de réparer les dégâts, ce dernier le poursuivait en justice, ce qui voulait dire se mettre d’accord avec lui pour faire juger l’affaire par une personne de leur choix commun (un arbitre privé, donc, habituellement payé pour ce service) qui trancherait sur leur cas. Et s’il refusait, la victime pouvait vendre sa plainte à un « Chef » qui, lui, s’occuperait d’obtenir réparation à sa place en usant de sa popularité et du nombre de ses amis. C’est comme ça que la société islandaise médiévale a fonctionné pendant plus de trois siècles, et ça marchait fort: certains estiment que leur taux de criminalité était si bas que la période où ils décrivaient, dans leurs Sagas, le pays comme étant « à feu et à sang » correspondait à un taux d’homicide comparable à celui des pays développés d’aujourd’hui. Et tout ça sans police publique, sans politiciens, sans impôts, sans état, par le fonctionnement rationnel de l’ordre spontané.

Plus près de notre époque, l’Islande a renoué en grande partie avec cette tradition de liberté: depuis 1991, le pays est lancé sur la voie du libéralisme sous la direction de David Oddsson, le maire libertarien de Reykjavik devenu Premier Ministre pendant 13 ans. S’extirpant de l’économie fortement régulée des années 50, 60 et 70 qui avait entraîné inflation chronique, déficit budgétaire incontrôlable, chômage et dettes publiques, l’Islande a rejoint l’Union Européenne en 1994. Le pays a continué sur cette voie depuis, voyant que ça marchait, privatisant les entreprises publiques les unes après les autres, supprimant l’impôt sur la fortune, réduisant les taxes (notamment sur les successions), les subventions et les impôts, réformant le système de retraite (qui est passé de très déficitaire à quasiment bénéficiaire), éliminant le déficit public, et innovant dans la protection de l’environnement par le marché libre avec des quotas de pêche commercialisables. C’est maintenant l’un des pays les plus riches et prospères de l’OCDE, à croissance forte et soutenue; de 1995 à 1999 les revenus moyens dans le pays ont progressé de 17% et le patrimoine des ménages de 45%.

1) Estonie:
Ce pays baltique a été occupé par l’Armée Rouge, puis la Werhmacht, puis de nouveau par l’URSS pendant plus d’un demi-siècle. En 1989, après avoir vu des dizaines de millers des leurs massacrés ou déportés, après avoir souffert de la collectivisation forcée, de l’apprentissage forcé du Russe, de l’industrialisation collectivisée (désastreuse pour l’environnement), du rationnement permanent (les ampoules électriques, le savon et le papier toilette ne pouvant être obtenus qu’au marché noir ou en usant de relations privilégiées) le pays a obtenu l’indépendance en 1991. Mart Laar, un instituteur, a été nommé deux fois Premier Ministre du pays et s’est appliqué à suivre toutes les recommendations de Milton Friedman décrites dans son livre Free to Choose:
– suppression des barrières douanières
– suppression des régulations de change
– instauration d’un taux unique et fixe pour l’impôt: 20%
– privatisation de toutes les entreprises publiques
– légalisation des banques privées
– suppression des subventions agricoles et industrielles
En à côté, le pays a légalisé l’homosexualité, qui était un crime sous le régime soviétique.
L’Estonie a depuis connu la plus fulgurante ascension économique et sociale de toutes les ex-colonies soviétiques, a le taux de chômage le plus bas d’Europe, une croissance élevée et soutenue, et un taux d’utilisation d’Internet de 39% (alors que la Biélorussie, à proximité, n’est pas reliée du tout).

2) Irlande:
L’Irlande celtique a prospéré pendant plusieurs siècles, sans pouvoirs judiciaire, législatif ou exécutif centraux, tout en étant l’une des nations les plus développées de son époque. Dans cette société complexe, qui a inventé le travail de l’or, les bijoux en métaux précieux et la Guiness, et qui nous a transmis la connaissance du Grec et du Latin ainsi que de nombreuses sculptures et livres antiques, tout homme libre (possédant une terre ou exerçant un métier d’artisan ou commerçant) pouvait participer volontairement au Tuath local (l’Irlande était divisée en myriade de petits royaumes indépendants d’environ 10000 personnes chacun) qui façonnait la loi et choisissait ou révoquait son « roi » (présidant le Tuath et agissant comme assureur privé contre le crime). Tout le monde était libre de changer de royaume ou de Tuath: en bref, chaque Tuath, avec son roi, était une agence privée de maintien du droit et de l’ordre public limitée aux territoires appartenant à ses membres. Le Roi d’Irlande (High King) agissait en tant que président de toutes les Tuath, arbitrant les litiges entre Tuath, et comme prêtre – il n’avait pas de souveraineté spécifique sur les autres Irlandais. Les litiges se réglaient de manière civilisée: devant un arbitre choisi en commun. Cette société a résisté à deux siècles d’invasions Viking et à la christianisation avant finalement d’être envahie par l’Angleterre.

Plus près de nous, après avoir connu pauvreté, misère, émigration massive, chômage croissant et récession durable dans les années 60, 70 et 80 avec l’économie régulée de type keynésien, l’Irlande s’est mise au libéralisme dans les années 90:
– baisse importante des impôts, notamment sur les sociétés, et leur simplification
– libre commerce avec les pays de l’UE
– privatisations des entreprises publiques
– réductions massives des dépenses publiques
Depuis, l’Irlande est passée de l’un des pays les plus pauvres, à l’un des plus riches d’Europe, avec une croissance forte et soutenue, et un taux de chômage parmi les plus bas de l’UE. Un accord spécial avec les USA est en préparation pour permettre une immigration plus facile des citoyens américains. C’est le seul pays de l’UE où le PIB par habitant dépasse la moyenne des USA. Des maisons s’y construisent partout, témoignant de la confiance retrouvée de la population.

3) Suisse:
En Suisse, chaque homme reçoit une arme de guerre à 16 ans et est tenu de la garder chez lui: la Suisse n’a pas connu de guerre sur son territoire depuis deux siècles.

Pour empêcher les attaques de type « Columbine » dans les écoles, la Suisse a suivi l’exemple d’Israël et de la Thaïlande en autorisant les enseignants à aller travailler avec une arme à feu, avec le même succès: la Suisse est un pays civilisé où on considère que chaque citoyen a le droit de savoir se défendre et de pouvoir défendre aussi les autres, résultat la criminalité y est très faible (la moitié des rares homicides qui s’y produisent sont le fait d’étrangers).

La Suisse n’a jamais adopté de salaire minimal légal, et pourtant les salaires les plus bas qui y sont pratiqués librement sont 25 à 30% plus élevés qu’en France. Les faibles taux d’impôts et les libertés individuelles pratiquées dans le pays expliquent qu’il soit classé parmi les plus prospères d’Europe. Et en plus, là-bas, on peut négocier des gros rabais avec le fisc !

4) Nouvelle-Zélande:
La Nouvelle-Zélande est le seul pays au monde à avoir eu tous les postes du sommet du gouvernement occupés par des femmes en même temps, de Mars 2005 à Août 2006, et ce sans le moindre quota obligatoire.

(C’est aussi le seul pays démocratique avec le Royaume-Uni à ne pas avoir de véritable Constitution écrite, les divers pouvoirs des représentants du peuple étant définis dans tout un tas de documents mélangés et interprétés partiellement.)

De 1973 à 1983, le pays a souffert de récession prolongée, appauvrissant le pays tout entier lentement mais sûrement, dûe entre autres à un protectionnisme extrême (interdiction d’investir à l’étranger, contrôle des importations très stricts), entraînant chômage > 10% et cracks boursiers. Et depuis 1984, il s’est lancé progressivement dans le libéralisme:
– privatisations, et obligation de rentabilité pour les entreprises restant propriété de l’état (pas de déficits chroniques comme à la SNCF ou chez EDF)
– fin de quasiment tous les monopoles d’état
– réduction de moitié des impôts sur le revenu (ce qui paradoxalement a augmenté les recettes de l’état)
– négociation d’acords de libre-échange, par exemple avec l’UE, l’Australie et même la Chine
– suppression des subventions agricoles (l’élevage de moutons est l’activité principale: privés de leurs subventions massives, les éleveurs gagnent pourtant beaucoup plus maintenant, la production s’est énormément diversifiée, et les exploitations familiales se sont multipliées tandis que seuls 0,75% des exploitations ont disparu)
– suppression du statut de fonctionnaire (imaginez ça en France !) et diminution des effectifs des administrations de deux tiers
– financement des écoles privées comme publiques par le chèque scolaire (mesure phare du libertarianisme) qui a amélioré l’enseignement de manière spectaculaire
Ca a tellement bien marché que le parti socialiste arrivé au pouvoir en 1999 a continué l’effort. La Nouvelle-Zélande a aujourd’hui le second taux de chômage le plus bas au monde: 3,6%, et se développe rapidement. Sa dette publique est de 9% du PIB seulement, les salaires minimaux sont de 1300 euros mensuels nets. C’est le pays classé le moins corrompu au monde, et premier au monde en matière de libertés individuelles. Le Sénat français l’appelle le « laboratoire du libéralisme« .

Développement culturel et économique, raréfaction du crime et de la corruption, libertés sociales, égalité des droits, accessibilité des opportunités, paix durable, voilà le vrai bilan de la liberté individuelle.

La clé du succès, c’est de laisser faire: les exemples frappants du passé (Islande et Irlande, principalement) montrent qu’il est essentiel de laisser le choix à chacun de décider qui défendra ses droits. La concurrence libre entre de nombreux assureurs contre le crime pourrait bien être l’étape cruciale pour se libérer de la servitude, pour en finir avec le seul vrai monopole sur lequel l’état est bâti tout entier.

À propos jesrad
Semi-esclave de la République Soviétique Socialiste Populaire de France.

4 Responses to La Liberté en pratique

  1. Arn0 says:

    Le Luxembourg fait partie de l’UE et a un PIB par habitant supérieur à celui de l’Irlande.

  2. jesrad says:

    C’est vrai, mais c’est plus un effet de son statut de « quasi paradis fiscal européen » et de sa petite taille, que d’une productivité exemplaire.

  3. Mateo says:

    Je rajouterais que le calcul du PIB par habitant pour le Luxembourg est trompeur: un très grand nombre de personnes travaillant au Luxembourg n’y vivent pas. Or, si je ne me trompe, pour calculer le PIB par habitant, on calcule l’ensemble des richesses produites sur un territoire donné est on le divise par le nombre d’habitants et non par le nombre de personnes travaillant sur ce territoire.
    Du coup, le PIB/hab du Luxembourg paraît très élevé.

  4. Bertrand Monvoisin says:

    Le Code du Travail suisse fait 37 pages le Code du Travail français plus de 2 000 !

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