Tuerie à l’école: la piste pharmaceutique

Alors que les journalistes français dépoussièrent leur conformisme en associant, d’emblée et sans réflexion, la tuerie de Newtown avec la permissivité des lois américaines en matière de possession et port d’arme, heureusement pendant ce temps certains se posent les bonnes questions, c’est-à-dire: qu’est-ce qui peut expliquer ce phénomène relativement récent ?

Commençons par le commencement: les tueries scolaires ne sont pas exclusives aux USA, à voir leur liste pour le reste du monde. Allemagne, pays nordiques et certains pays asiatiques sont bien présents dans cette liste, sans pour autant avoir la même « culture du revolver » que les USA ni ses lois permissives – loin de là !

Ces tueries sont un phénomène récent, et même si les meurtres au sein d’établissements scolaires se produisent depuis aussi longtemps qu’existent les armes à feu, si l’on exclut les assassinats dirigés spécifiquement contre une ou quelque personne et s’étant simplement produit là fortuitement, et que l’on ne garde que les attaques spécifiquement dirigées contre l’établissement scolaire et ses étudiants et enseignants, alors on ne peut que remarquer une chose étrange: elles commencent avec les années 70, d’un seul coup: à part quelques occurences étalées entre 1913 et 1966, tous les massacres scolaires du monde ont eu lieu à partir de 1971. Pourtant, les Américains n’ont pas attendu ces années-là pour s’armer… ni d’ailleurs les Allemands, les Suédois ou les Chinois.

Pourquoi un début aussi net dans le temps ? Pourquoi une récurrence dans certains pays (USA, Canada, Thaïlande, Allemage, Suède, Finlande…) et pas des autres ?

A ces questions, le docteur Gary Kohls pourrait avoir la réponse: ce psychiatre et chercheur à la retraite a étudié les effets néfastes des médicaments anti-psychotiques, et plus particulièrement les conséquences méconnues de les prescrire à des enfants et adolescents. Confusion, hallucinations, épisodes maniaques, hostilité, menaces et violences, comportement paranoïde, psychoses, impulsivité et fébrilité poussant au suicide, agitation, amnésie et détérioration du jugement… la liste est effrayante.

Mais il y a aussi une autre liste compilée par ce psychiatre, qui est encore plus effrayante:

Eric Harris, 17 ans, Zoloft puis Luvox
Dylan Klebold, 18 ans, dossier médical scellé
Ecole de Colombine à Littleton, Colorado: 13 morts, 23 blessés

Jeff Weise, 16ans , Prozac (60mg/jour, soit trois fois la dose adulte)
Red Lake, Minnesota: 10 morts, 12 blessés

Cory Baadsgaard, 16 ans, Paxil (il se plaignait d’hallucinations)
Wahluke High School, Etat de Washington: a pris en hôtage 23 élèves, n’a aucun souvenir de l’évènement

Chris Fetters, 13 ans, Prozac
1 mort

Christopher Pittman, 12 ans, Zoloft
2 morts

Mathew Miller, 13 ans, Zloft
Suicide

Jarred Viktor, 15 ans, Paxil
A poignardé 61 fois sa grand-mère

Kip Kinkel, 15 ans, Prozac et Ritaline
4 morts: ses parents, puis 2 élèves + 22 blessés

Luke Woodham, 16 ans, Prozac
3 morts: sa mère et 2 élèves + 6 blessés

Un jeune garçon anonyme (moisn de 12 ans) sous Zoloft
Pocatello, Idaho: s’est retranché en salle de classe avec une arme pendant des heures.

Michael Carneal, 14 ans, Ritaline
Lycée de West Paducah, Kentucky: 3 morts, 5 blessés

Un jeune homme sous Ritaline
Huntsville, Alabama: a massacré ses parents et deux autres proches à la hache

Andrew Golden, 11 ans, Ritaline
Mitchell Johnson, 14 ans, Ritaline
Au collège: 5 morts, 10 blessés

TJ Solomon, 15 ans, Ritaline
Lycée de Conyers, Géorgie: 6 blessés

Rod Mathews, 14 ans, Ritaline
1 autre élève battu à mort

James Wilson, 19 ans, plusieurs médicaments
Ecole primaire de Breenwood, Caroline du Sud: 2 morts, 9 blessés

Mitchell Johnson, 13 ans, antipsychotiques
Jonesboro, Arkansas: 5 morts, nombreux blessés

Elizabeth Bush, 13 ans, Paxil
tirs au collège en Pennsylvania

Jason Hoffman, Effexor et Celexa
Tirs à l’cole à El Cajon, Californie

Chris Shanahan, 15 ans, Paxil
Rigby, Idaho: 1 mort

Jeff Franklin, Prozac et Ritaline
Huntsville, Alabama: tue ses parents avec des outils, puis blesse ses frère et soeur

Neal Furrow, Prozac et autres médicaments prescrits par décision judiciaire
Tirs à l’école juive de Los Angeles

Kevin Rider, 14 ans, Prozac
suicide présumé, puis suspecté d’avoir été abattu par un autre élève de 14 ans sous Zoloft et d’autres antidépresseurs

Alex Kim, 13 ans, Lexapro
suicide

Diane Routhier, Welbutrin
suicide

Billy Willkomm, Prozac
suicide

Kara Jaye Anne Fuller-Otter, 12 ans, Paxil
Suicide après le refus de son médecin de stopper son traitement

Gareth Christian, 18 ans, Paxil
Vancouver: suicide

Julie Woodward, 17 ans, Zoloft
suicide

Matthew Miller, 13 ans, Zoloft
suicide

Kurt Danysh, 18 ans, Prozac
1 mort

Woody ***, 37 ans, Zoloft
suicide

Garçon de 10 ans anonyme, Prozac
a abattu son père

Hammad Memon, 15 ans, Zoloft
a abattu un autre élève

Matti Saari, 22 ans, antidépresseur et benzodiazépine
10 morts et un blessé à son université

Steven Kazmierczak, 27 ans, Prozac, Xanax et Ambien
Northern Illinois University: 5 morts, 21 blessés

Pekka-Eric Auvinen, 18 ans, antidépresseurs
Jokela High School, Finlande: 8 morts, 12 blessés

Asa Coon, 14 ans, Trazodone
Cleveland: 1 mort

Jon Romano, 16 ans, antidépresseurs
New York high school: tir sur un enseignant

Seung-Hui Cho, antidépresseurs
Virginia Tech: 23 morts, 19 blessés

Robert Hawkins, 19 ans, Valium et autres antidépresseurs
Centre commercial à Omaha: 8 morts, 5 blessés

A cette longue liste s’ajoute donc Adam Lanza, 20 ans, sous traitement antipsychotique lui aussi depuis des années. Pour Kohls, cette corrélation frappante entre tueries « insensées », accès de violence incontrôlables et médication antipsychotique et/ou antidépressive ne peut pas qu’être une simple coïncidence.

Alors certes, une corrélation n’est pas forcément une causation… On pourrait par exemple tenter d’expliquer le lien entre les deux en posant que ce sont typiquement les malades mentaux qui commettent des crimes « fous », et qu’il est normal que ces gens soient sous traitement – simplement, dans les cas pré-cités, le traitement se serait avéré insuffisant. Mais cette hypothèse ne peut pas expliquer pourquoi ces tueries ont commencé dans les années 70, qui se trouve justement être l’époque où ces médicaments ont commencé à être utilisés. La conséquence ne peut pas précéder sa cause dans le temps…

Kohls n’est d’ailleurs pas le seul à dénoncer le lien entre ces médicaments et une augmentation notable de la violence: le psychiatre italien Giovanni Fava a signalé cette forte corrélation dès 1994, en notant qu’au bout de 6 mois de traitement, ces médicaments n’ont plus que des effets néfastes et aucun bénéfice. Pourtant, il est devenu habituels aux USA de garder des enfants et des adolescents sous un tel traitement pendant des années…

Et même si cette corrélation entre médicaments puissants et accès de violence folle pourrait s’expliquer par une cause tierce restant à découvrir, qui causerait à la fois l’un et l’autre, cette piste pharmaceutique montre déjà plus de pertinence que toutes les autres pistes étudiées jusqu’ici (pour illustrer: il n’y a pas de corrélation avec la quantité d’armes à feu dans la population, ni avec le fait de jouer à des jeux vidéos violents, ni avec le fait d’écouter du hard rock).

J’ajoute à cet article une référence à l’étude statistique de de Kohls publiée dans le journal en ligne de la Public Library of Science qui montre que 31 médicaments sont fortement associés au passage à l’acte violent chez les patients. La disproportion va d’un facteur 2 à un facteur 18. Chantix, Prozac et Paxil forment le trio de tête avec un facteur de sur-représentation dans les actes violents supérieur à 10.

À propos jesrad
Semi-esclave de la République Soviétique Socialiste Populaire de France.

10 Responses to Tuerie à l’école: la piste pharmaceutique

  1. jesrad says:

    Pour ce qui est du lien entre les pays concernés par les tueries scolaires: ce sont tous des pays où l’on prescrit de la Ritaline et d’autres antipsychotiques aux enfants… En Allemagne c’est sous le nom Methylphenidat. En Suède, l’approbation de ce médicament en 2005 avait entraîné un tollé à cause des suicides qu’il semble causer. Par contraste, ce type de médicament reste prohibé en Grande-Bretagne… et ils n’ont pas de tueries scolaires.

  2. Vlad says:

    Très intéressant, merci pour cet article.
    Par ailleurs et sans aucun rapport j’aime assez le texte accompagnant l’avatar…

  3. Qasfiel says:

    Ouéï. Ca pourrait pas être un mélange de plein de causes différentes ? Je suis loin de défendre l’industrie pharmaceutique, qui par ailleurs ne le mérite absolument pas, mais même si ces mises en rapport sont bien avancées et l’argumentation richement étayée, ça m’étonnerait que les médicaments soient la seule origine de ces évènements.

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  5. JN says:

    et pourquoi la raison n’en serait pas que ces médicaments ont été utilisé par la psychiatrie depuis cette date pour remettre justement des gens en liberté qu’on aurait auparavant gardé interné à vie en institution, ou lobotomisé ? eu égard à leur supposée dangerosité…

    question ouverte

    • jesrad says:

      C’est ce que j’évoque en seconde partie: une corrélation entre deux phénomènes A et B peut s’expliquer de plusieurs manières:
      – A cause B
      – B cause A
      – une cause extérieure cause à la fois A et B

      Dans le cas présent, échanger un internement forcé contre une médication et un suivi médical serait la cause tierce. Pourquoi pas ? Mais il faudrait vérifier cela en comparant les taux d’internement d’enfants entre avant et après.

  6. Bast says:

    Argumentation ouverte et intéressante, solidement étayée. Merci.

    Vue mon expérience en la matière – je suis allé voir des psys pour un trouble du sommeil persistant et très handicapant, ils ont joué à chaque fois aux apprentis sorcier avec très peu d’investigation et encore moins de suivi -, j’aurai tendance comme vous à tirer le signal d’alarme.

  7. robi says:

    Zététique vous connaissez ? C’est l’art de ne pas confondre corrélation et causalité ?
    Peut-être que toute ces personnes souffrait de troubles psychiatriques et donc étaient médicamentées. Il reste quand même plus probable de mettre le passage à l’acte en raison de la fragilité mentale plutôt que la consommation de médicaments. Et, aggravant, que ces personnes n’ont pas été davantage suivies par leur médecin justement parce ces derniers ont eu trop foi en leurs « camisoles » chimiques.

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