CIA et torture: la faillite morale de l’état exposée (une fois de plus)

L’usage direct de la force physique est une solution si minable au problème de la rareté des ressources, qu’elle n’est généralement employée que par les petits enfants et les grandes nations. David Friedman

Et David sait apparemment quelque-chose sur le sujet.

« L’Amérique est grande car elle est bonne », écrivait Tocqueville. « Quand l’Amérique cessera d’être bonne, elle cessera aussi d’être grande ». Nous y sommes aujourd’hui. Vile Amérique qui massacre, opprime et torture.

La publication du rapport du Sénat américain sur l’usage de la torture par la CIA arrive dans la foulée des émeutes provoquées par l’impunité des policiers en cause des les morts d’Eric Garner, Gilbert Collar, Dillon Taylor et Michael Brown, d’une série de révélations consternantes sur les exécutions sommaires à coups de drone au Moyen-Orient, et de l’audition dévastatrice de Jonathan Gruber au sujet de la corruption entourant la loi « Obamacare » sur l’assurance santé obligatoire, sur fond de défiance consécutive aux révélations d’Edward Snowden et Chelsea Manning sur l’espionnage, anticonstitutionnel, du monde entier par la NSA. Ce mois de décembre 2014 a été particulièrement éprouvant pour tous ceux qui se font un métier de professer (et vendre, contre monnaie et/ou votes) des opinions.

Les évènements de ces dernières semaines n’ont en réalité rien appris à personne, leur véritable intérêt est d’avoir permis au public général d’assumer publiquement ce qu’il pensait déjà depuis longtemps des diverses formes d’autorité qu’il subit quotidiennement. Les minorités des quartiers populaires de New-York n’ont pas attendu la médiatisation des affaires Eric Garner ou Michael Brown pour se méfier de la police. Les militants des libertés civiles n’ont pas attendu les avertissements de Snowden pour protester contre la politique intérieure américaine. Les opposants aux va-t-en-guerre de Washington n’ont pas attendu le rapport sur les activités monstrueuses de la CIA pour s’offusquer de la politique étrangère US. Les sceptiques au féminisme post-moderne n’ont pas attendu le dégonflement navrant du scandale du ‘scoop’ de Rolling Stone à propos de l’Université de Virginie pour dénoncer la complaisance des médias envers les habillages narratifs favoris des politiciens. Les opposants aux politiques socialisantes de la majorité démocrate US n’ont pas attendu les aveux décontractés de M. Gruber pour critiquer l’opacité, le collectivisme et la corruption de sa législation. Les critiques de la « guerre à la drogue » dénoncent depuis longtemps les conséquences mortelles de la prohibition.


Déjà en 1963…

En arriver aux exécutions sommaires et à la torture systématique, dégradante pour tout le monde et souvent gratuite, de gens en majorité innocents, n’est que la dernière étape d’un parcours historique commencé il y a fort longtemps – un parcours de renoncement moral progressif où la force brute s’est substituée à tout prétexte idéologique. Ce qui change aujourd’hui c’est ce basculement subtil mais rapide de l’opinion de masse, d’admettre que cette chute morale est politiquement significative et doit avoir des conséquences à court terme. L’intrusion de ces questionnements dans les chambres représentatives US marque un point de non-retour: il y aura un avant et un après le rapport sur la torture par la CIA. Tout l’establishment américain, tous les soutiens du statu quo, sont en train d’être tous ensemble mis en cause sur le plan moral. Chaque fois que cela s’est produit, les USA ont transformé la crise en phase de progrès – sur la ségrégation et sur la guerre du Vietnam.

Pour qui a grandi pendant la guerre froide, la situation d’aujourd’hui rappelle un peu la manière dont les Berlinois de l’Est avaient revendiqué soudainement leur droit de franchir la frontière vers l’Ouest, et par une étrange symétrie, la manière dont l’URSS s’était effondré. C’est tout à la fois la compétence et l’autorité morale supposée de l’état qui vacille, sa prétention de légitimité qui s’étiole, et de là le pouvoir réel de l’état sur le peuple. Lorsque les dirigeants ne peuvent plus oser justifier plus longtemps d’opprimer les peuples au nom d’intérêts faillis, ils n’ont d’autre choix que d’abandonner le statu quo.

Aujourd’hui aux USA, verra-t-on l’administration fédérale réviser entièrement, de la même manière, ses doctrines de politiques étrangères et de sécuritarisme policier ? C’est désormais au peuple américain d’obtenir de ses représentants politiques qu’ils fassent le ménage, ou qu’ils s’en aillent en même temps qu’une administration fédérale irrémédiablement salie.

À propos jesrad
Semi-esclave de la République Soviétique Socialiste Populaire de France.

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