Quelle solution pour la crise ?

Aujourd’hui, dans notre cours de praxéologie aléatomadaire, finissons de parler de la criiiiise en examinant une possible… solution à la crise !

Commençons par le commencement: quel est le problème ? C’est que le monde financier a trop de dettes et pas assez de sous pour les payer toutes en même temps, que pas mal de ces dettes pèsent sur des ménages qui ne méritent pas tant, et que la confiance est en rupture de stock, pour toutes sortes de raisons déjà vues précédemment.

L’excès de dettes provoque des faillites, parce que les endettés ne parviennent plus à gagner assez d’argent pour rembourser au rythme prévu (à la base parce que la monnaie n’est elle-même plus émise au même rythme, mais ce sera le sujet du prochain cours sur l’inflation). Comme leurs remboursements servaient à rembourser les dettes de leurs propres créditeurs, eux aussi risquent de faire faillite, et à leur tour les créditeurs de ces créditeurs, etc.

Cette espèce de course de relais qui finit par mettre tout le monde en banqueroute, c’est ce que l’on appelle le « risque systémique ». D’ordinaire les banques évitent de prêter tout le cash qu’elles ont, pour avoir une petite réserve (un douzième du total) afin d’amortir le passage du relais entre leurs divers créditeurs et débiteurs, dans le but de leur donner du temps pour retrouver du pognon. Mais comme la SEC a sciemment autorisé les banques Goldman Sachs, Merril Lynch, Bear Stearns, Lehman Brothers et Morgan Stanley (tiens, ces noms me disent quelque chose…) à dépasser plus de trois fois leur ratio de réserve, ces banques furent les premières à tomber lorsque les remboursements se tarirent, et risquent désormais d’entraîner toutes les autres dans leur chute.

« Résoudre la crise » revient donc à éviter ce risque de banqueroute totale du système.

Eh, mais, il n’y aurait pas tout plein de dettes circulaires dans le lot ?

Bien vu ! Effectivement, les nombreux mouvements entre les clients de toutes ces banques (et les banques elles-mêmes, car elles participent aussi) ont dû créer de nombreuses courses de relais en rond.

Effacer ces dettes circulaires permettrait bien plus efficacement d’éviter les banqueroutes en stoppant le passage de nombre de ces relais. Nous y reviendrons.

Pourquoi les débiteurs ne vendent pas leur collatéral ?

A cause du marginalisme des prix: si vous vendez un appartement, vous le vendrez de préférence au seul type qui est disposé à payer plus cher que les autres. Si vous en vendez cent mille, vous serez obligé d’aller vendre à plein d’autres gens qui, eux, ne sont pas disposés à payer autant. Votre « meilleur acheteur » n’a pas besoin d’un second logement, ni d’un troisième, et de toute façon l’argent pour payer le même prix pour les 9999 autres appartement n’existe même pas.

Si les banques tentent toutes en même temps de solder les collatéraux de tout le monde, les prix s’effondrent et ils en retirent beaucoup moins qu’il n’en faut pour rembourser. Cela ne les empêche pas d’essayer, d’ailleurs: c’est toujours ça de pris (ou plutôt, de rendu). Cela explique une petite partie de la baisse des prix immobiliers aux USA.

Bref, cela ne ferait que réduire le nombre final de gens en faillite – mais alors ceux-là sont vraiment dans la merde. Un genre de concentration de banqueroute, quoi. Cette solution ne redonne pas la liquidité nécessaire aux biens existants, au contraire elle l’entame un peu plus.

Et si personne ne fait rien ?

Alors il y aura des faillites, et tous ceux qui ont encore des sous pourront racheter les dettes encore saines, reprendre les entreprises (qui marchent toujours très bien !), récupérer les employés dont l’employeur a disparu, etc.

Seulement c’est comme avec la vente des collatéraux: le marginalisme fait que ces rachats se feront trop lentement et à bas prix. Pendant le temps qu’il faut pour faire une liquidation, il y en a dix autres qui attendent leur tour, avec des employés pas payés qui ont faim, des retraités qui ne touchent plus leurs pensions, des fonctions qui ne sont pas remplies et/ou sont récupérées par des concurrents – concentrant le marché et réduisant au passage la valeur que les repreneurs et créanciers pourraient tirer du « cadavre ».

D’un autre côté, chaque entité remise debout peut ensuite participer à remettre debout ceux qui vont encore mal.

Pourquoi l’état ne pourrait pas tout racheter ?

C’est ce qui est en train de se passer aux USA, avec la bénédiction moqueuse de Chavez – un gage de confiance ! Le problème c’est que l’état achète avec les sous de ceux-là même qui sont rachetés: c’est une vaste arnaque. Et en plus, vu que la crise éclate à cause des pressions de l’état sur le système financier, cela revient à vendre les ruines de la bijouterie au braqueur qui l’a fait sauter.

Là où des repreneurs privés engageraient leurs propres sous fondés sur de la richesse réelle qu’il a fallu échanger contre ces fonds, l’état-repreneur engage du vent et promet juste de se payer sur ce que lui rapportera tout ce qu’il reprend (et les autres contribuables): il se fait une avance gratuite à lui-même pour empocher ce qu’il reste de richesse. Et la Déesse sait que les gouvernements Bush comme Sarkozy ont grand besoin de faire les poches de leurs citoyens dans l’avenir proche !

Autre souci: les créanciers sont tous mis dans le même panier douillet par cette solution, ils ont intérêt à exagérer outrageusement le montant de leurs propres dettes en cours pour rafler un maximum de pognon sur le dos des contribuables. C’est pour ça que tant de gens aux USA crient à « l’état-providence pour les riches », avec raison, en critiquant ce plan.

Alors comment faire pour accélérer, fluidifier et faciliter les reprises et liquidations ?

C’est la bonne réponse à la crise, et si on pouvait au passage rebâtir entièrement le système monétaire international, tout irait beaucoup mieux. Une façon de le faire a été abordée par Vincent Benard: il s’agit de la titrisation des dettes.

La quoi ?

Cela consiste, en simplifiant, à monétiser les dettes des entités en difficulté. Les dettes encore dûes et dont les remboursements n’arrivent pas sont transformées en titres (des actions, mais on peut aussi les voir comme des billets de banque privée). La valeur faciale de ces titres augmente régulièrement de la valeur des intérêts dûs, et les créanciers peuvent ensuite se racheter à une valeur de marché (décotée, dans les faits) ces titres.

L’aspect intéressant de cette solution est qu’elle crée automatiquement la monnaie manquante au système pour solder les dettes, sous la forme de ces titres, et qu’elle peut aussi résoudre facilement les dettes circulaires (nous y revoilà) quand un créancier annule sa propre dette en la rachetant avec ses propres titres.

Seulement, c’est long, ça réclame des négociations entre les actionnaires et les créanciers, etc. D’où ma proposition: aller carrément établir de nouvelles monnaies de cette manière, couvrant toutes les dettes en difficulté, s’en servir pour rembourser les dettes encore en cours, et laisser s’établir des taux de change libres entre la monnaie habituelle et celles-ci. Tous les créanciers pourraient transformer en une quantité donnée de ces billets leurs dettes en cours sur simple accord avec le débiteur sur le montant, et pour accélérer les négociations, exigeons une date limite de titrisation. Chaque établissement bancaire regroupant les dettes pourrait émettre sa propre monnaie de cette manière, éliminant le risque d’exagération des montants par les créanciers.

Cerise sur le gâteau: on pourrait alors à l’avenir se défausser de la monnaie de la banque centrale au profit de ces nouvelles monnaies privées, résolvant du même coup le problème du système monétaire vicié à la base.

Aux USA, cette solution a été rejetée par Bush et ses sous-fifres parce que les lobbies qui le soutiennent préfèrent exagérer leurs propres dettes afin de choper un maximum d’argent public. Ne laissons pas la même chose se reproduire en France ! Exigeons la titrisation !


Arnold Kling a une autre solution très intéressante pour remettre les liquidités en circulation: réduire ou supprimer les barrières à l’entrée dans le secteur bancaire. C’est ingénieux, ça ne coûte pas aux contribuables (au contraire) et ça ne demande pas d’effort particulier. En réduisant le capital requis pour ouvrir une banque, une grande quantité de liquidités peuvent être apportées pour résoudre les dettes circulaires encore en cours tandis que des tas de gens jusqu’ici forcés à rester hors du marché bancaire peuvent alors prendre des participations et raviver tout le secteur.

Cette solution de libéralisation des banques est rejetée par les états car elle dilue les intérêts existants, soigneusement protégés par la réglementation actuelle. Aucun candidat présidentiel ne la défendra de peur de perdre du financement de campagne…

À propos jesrad
Semi-esclave de la République Soviétique Socialiste Populaire de France.

14 Responses to Quelle solution pour la crise ?

  1. Mateo says:

    Excuse mon ignorance en la matière, mais quelle(s) différence(s) entre des titres issus d’une dette et des obligations?

  2. Mateo says:

    Hum, je crois comprendre: la différence vient du fait que pour une titrisation de dette, tout ou partie de la dette est effacée, alors que pour une obligation, non.

  3. jesrad says:

    Violà, c’est ça. L’intérêt, de mon point de vue, est que les ménages qui ont acheté un logement trop cher et dont le crédit dépasse de beaucoup les capacités de remboursement ET la nouvelle valeur du logement peuvent négocier un gros rabais, la banque devant choisir entre refuser et risquer de tout perdre, ou accepter et enregistrer une perte qui correspond à sa propre culpabilité dans la crise. Dans tous les cas il y aura une perte, la titrisation la fait inscrire immédiatement au lieu de continuer de faire courir les relais et perdurer la situation de non-confiance, aggravant continuellement ces pertes.

    C’est de loin la plus juste des solutions, et ça aurait évité à plein d’américains de finir dans la rue, au lieu du plan Paulson qui les met à la merci de l’état, qui pourra choisir allègrement entre les faire rembourser des mensualités ou des impôts, comme ça leur chante.

  4. LMAE says:

    Moi ce que je pige pas avec ta solution, c’est que des titres ont DEJA été émis, et aujourd’hui ils ne valent plus grand chose…
    Les dettes ont déjà été titrisées, alors je vois pas la nouveauté.

  5. jesrad says:

    Euh, ce n’est pas « ma » solution mais celle de Luigi Zingales, rapportée par Vincent Bénard 😉

    Oui, il a fallu titriser des subprimes au départ pour les échanger (il y a déjà eu une décote à ce moment-là, quand les banques se sont défaussées de crédits risqués), mais ce n’est pas le cas de toutes les dettes en cours, et surtout pas celles entre les banques. Mais là où les remboursements (et les retraits et la liquidation de valeurs) coincent aujourd’hui, il n’y a pas encore eu de titrisation, du moins il ne me semble pas.

  6. vincent says:

    @ jesrad : merci !

    @ mateo, Lmae :

    La titrisation consiste à transformer une créance sur une société – en défaut de paiement ou non – en capital de la société débitrice. Or, le capital n’est pas remboursable, mais uniquement revendable à un acheteur s’il se présente.

    Donc du coup, le débiteur a bcp moins de cash à sortir pour faire face à ses échéances (ni principal, ni intérêts), et si il n’est pas « trop mal en point », il peut passer la tempête

    en outre, une telle transformation remuscle le passif du bilan de l’entreprise: l’endettement baisse, le capital augmente, le gearing (ratio dette/fonds propres) diminue, bref l’entreprise peut même retrouver la confiance du monde financier, et… réemprunter.

    En général, lorsqu’une entreprise en arrive là, les anciens actionnaires sont très dilués par les créanciers: ainsi, les actions des « vieux actionnaires » d’Eurotunnel ne représentent plus que 16% du total, celles des créanciers 84%. Normal, c’était ça ou la faillite. Mais cela explique qu’en temps normal, les négos entre actionnaires et créanciers soient très dures. Les créanciers veulent obtenir un max de capital contre leurs créances pourries, les actionnaires veulent limiter la dilution de leurs parts.

    Naturellement, une titrisation s’accompagne en général de restructurations massives.

  7. jesrad says:

    Merci pour ces précisions, c’est beaucoup plus clair comme ça 🙂

  8. LMAE says:

    Ah ok je n’avais pas pigé le truc, c’est clair maintenant.
    Le « bailout plan » ne diluerait pas les actions des banques concernées, elle permettrait à tous les actionnaires de s’en tirer à bon compte, et ruinerait le contribuable…
    Par contre je ne sais pas QUI pourrait acheter les titres ainsi créés. Les créances sont interbancaires, c’est le petit jeu du « je tiens tu me tiens par la barbichette ». Il faudrait de nouveaux investisseurs, et vu la MASSE à financer il n’est absolument pas évident que cela soit possible. Le problème de liquidité subsiste.

  9. jesrad says:

    D’où l’intérêt de la libéralisation du marché bancaire, en baissant le capital requis on permet à plein de nouveaux banquiers d’apporter leurs liquidités pour débloquer le tout.

    Et ces gens seraient nombreux vues la décote – et par conséquent la plus-value potentielle. Enfin si j’ai bien suivi.

  10. Tid says:

    j’ai l’impression qu’ aujourdhui par rapport à cette crise on ne sait pas quelle solution adopter, car si je comprend bien, les menages n’ont pas de pouvoir d’achat, les entreprises n’ont plus d’argent pour produire et meme si elles arrivaient à produire qui acheterait faut de moyens financiers?
    Faut-il relancer la production ou la consommation?
    Faut-il pas relancer ls dux en meme temps? car l’un sans l’autre n’es resoud pas cette crise!

  11. jesrad says:

    (Date modifiée)

    Les gens qui étaient aux manettes n’ont rien vu venir et donc, ils ne savent pas bien comment réagir. Ils ont décidé avec circonspection d’appliquer les recettes qu’ils avaient déjà appliqué lors des crises précédentes sans succès, ce qui est la marque de la démence (refaire la même chose en anticipant un résultat différent).

    « Relancer » quoi que ce soit ne fera que remettre l’économie en situation de crise – aboutissant à relancer la crise. La seule chose intelligente et utile à faire, de la part des gouvernements, c’est de s’effacer en mettant fin à tous les gaspillages structurels et systémiques qui encombrent la route de la prospérité: réduction des dépenses publiques, libéralisation des marchés verrouillés ou handicapés par l’état, dissolution de la bureaucratie, bref: respect des droits naturels des individus.

  12. Mateo says:

    @ Jesrad

    Bug: ton commentaire est daté du 30/11/1999

    @ Tid

    Comme dit Peter Schiff, qui a prévu et expliqué la crise (les autres économistes se moquaient publiquement de lui lorsqu’il disait qu’on allait vers une crise, et une crise grave qui plus est), «la crise n’est pas le problème, c’est la solution»: en effet, la crise fait que les gens se remettent à épargner (-> investissement, + de liquidités disponibles) au lieu d’emprunter (consommation à crédit) et est nécessaire afin de purger le(s) marché(s). La crise fait apparaître les malinvestissements, qui DOIVENT être liquidés.

    En plus de l’incurie de nos gouvernements qui tentent de régler un problème de liquidité en… aspirant les liquidités disponibles pour les dépenser dans des projets non utiles (« dépenser pour dépenser »), de régler un problème de surendettement… en créant plus de dettes, leurs tentatives auront pour effet de retarder, de ralentir la purge des marchés tout obérant nos capacités futures à cause de l’énorme accroissement de dettes qu’ils créent.

    En clair, il ne font qu’amplifier et étaler la crise.

    Ce qu’il faut faire, Jesrad l’a dit, mais son commentaire a été publié tout en haut à cause d’un bug: baisser les dépenses publiques, baisser les taxes et impôts qui pèsent sur les particuliers et les entreprises (le second ne va pas sans le premier, dans le cas contraire on ne fait que s’endetter encore plus), faire sauter tous les freins au développement en rendant leur liberté aux particuliers et aux entreprises.

  13. Mateo says:

    J’ajoute qu’il ne faut rien relancer du tout. Ce que je veux dire, c’est que ce n’est pas à l’État de décider à la place des gens (ou les inciter, ce qui est la même chose, seul le degré est différent) s’ils doivent consommer ou investir. Chacun a ses préférences à un moment donné.

    C’est ce qui a causé a crise: les gouvernements et leurs alliés des banques centrales, en voulant pratiquer une politique de taux bas (c’est-à-dire en dessous des taux naturels) afin de « stimuler » l’économie ont causé un énorme phénomène de malinvestissements qui aujourd’hui sont apparus au grand jour et qui doivent être liquidés.

    « L’argent gratuit » n’aide PAS l’économie, il la détruit. Le crédit ne pousse pas dans les arbres, et il faudrait que les gouvernements et les tenants du système de banque centrale s’en rendent compte.

  14. magherbi issam says:

    la crise a etait causé principalment par la baisses des prix d’immobilisations prise en garantie pour les banque . alors, la resolution de probleme de la crise doit commencer par les immobilisation (il faut augmenter leur prix).

    Le malade a de la fièvre, il faut donc faire baisser sa température pour le guérir !

    C’est débile. Les prix de l’immobilier baissent parce que plus personne n’achète, ce n’est pas une circonstance mystérieuse ou un truc qui nous tombe dessus comme ça mais un phénomène qui découle d’un changement dans les choix et les actions de chacun: les taux d’intérêt ont été relevés par les banques centrales pour limiter l’inflation, ce qui a entraîné une diminution des opportunités de crédit et donc réduit le nombre d’acheteurs de biens immobiliers, d’où leur baisse de prix. Augmenter les prix ne va pas relancer les ventes immobilières mais bien faire le contraire puisqu’il y aura encore moins d’acheteurs.

    les banque doivent d’abord reunir leurs effort pour faire face a ce probleme en achettant les mines de fère .. les matiere premiere de construction a fin d’augmenter les prix l’Etat doit investir de plus dans les travaux public infrastrecture … ce qui va engendrer l’augmentation des prix d’immobilistion et les banque retrouverons leus garantie et leur crédibilité et les cercle vicieux tournera das les sens contraire et courigera tout ces fautes.

    Les prix sont un signal, une simple information. Les trafiquer n’a aucun effet positif sur la situation économique réelle, mais bien le contraire puisque cela endommage le fonctionnement du marché en modifiant ces signaux qui lui sont essentiels pour régler la production. Par ailleurs les banques auraient bien du mal à se lancer dans de gros achats vu qu’elles sont en faillite. Zéro.

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