Le Thorium remplacera-t-il l’Uranium ?

J’évoquais hier de possibles développements de la fission nuclaire comme l’une des alternatives plausibles au pétrole. En cherchant un peu plus j’ai trouvé quelques trucs très intéressants. En particulier, ceci, qui explique en détail comment et pourquoi le Thorium, un métal lourd voisin de l’Uranium, a un avenir bien plus prometteur que ce dernier dans la production d’énergie pas chère et très peu polluante.

Nous disposons d’environ un siècle de réserves d’Uranium fissile pour les centrales actuelles. C’est-à-dire que nous avons assez de ce lourd métal jaune (qui contient les quelques millièmes d’U-235 qui servent de carburant) sous la main pour les faire fonctionner pendant un peu plus de 80 ans: il est tout à fait envisageable que l’on épuise cet Uranium avant d’avoir vidé les réserves de pétrole de la planète.

Une méthode que nous connaissons pour étendre ces réserves de carburant nucléaire, c’est d’utiliser les neutrons en excès produit par cet U-235 pour fabriquer plus de carburant nucléaire à partir du reste de ce même métal jaune: l’U-238. Donnez-lui un neutron à bouffer et il se change en Plutonium (Pu-239), que l’on peut alors faire à son tour éclater dans un autre réacteur nucléaire (mais on ne peut que difficilement l’utiliser pour engendrer plus de Plutonium). On peut donc brûler l’U-235 tout en fabriquant au passage plus de Plutonium qu’on a utilisé d’Uranium pour le faire. Cette technique est au point, on l’a essayé avec succès, elle permet de démultiplier nos réserves de carburant nucléaire de manière considérable (autour de 100 fois).

Mais voilà, pour ça il faut des centrales extrêmement coûteuses, encombrantes, et refroidies au sodium liquide, qui explose au contact de l’eau et brûle à l’air. Superphénix, ça vous dit quelque-chose ? L’écologisme a tué cette piste en France comme en Allemagne, et donc, à cause des gesticulations d’abrutis comme on en trouve chez Greenpeace (et aussi, il faut l’admettre, à cause du coût et du danger bien réels), nous ne recyclons pas l’Uranium après l’avoir utilisé une première fois. Non, à la place on l’enterre pour des dizaines de milliers d’années, ou au mieux on le retraite pour en extraire le Plutonium produit pour en faire un peu plus de carburant (mais les mêmes guignols s’opposent aussi violemment à ce recyclage-là).

Il faut aussi savoir que quand on recycle ainsi le carburant nucléaire, les déchets obtenus au final ne sont dangereux que pendant une paire de siècles, au lieu de dizaines de milliers d’années. Mais bon, l’écologisme est comme ça: une caricature d’écologie qui mêle gâchis, bêtise crasse et contradiction dans les faits.

Voilà où nous en sommes aujourd’hui: la plupart des centrales nucléaires en activité sont des usines brûlant de l’U-235 et refroidies à l’eau ultra-pressurisée, ce sont d’énormes machins très compliqués, très coûteux et très puissants qui demandent une attention permanente pour rester sagement dans leurs limites de fonctionnement – elles sont en équilibre instable: pas assez de neutrons, elles s’éteignent ; trop, et elles s’emballent irrémédiablement. En plus ces centrales sont généralement périmées depuis des années, et personne ne sait vraiment comment on va pouvoir financer leur démantèlement et remplacement.

Ah, si seulement on pouvait refroidir les centrales nucléaires avec autre chose que de l’eau ultra-pressurisée (encombrant, compliqué) ou du sodium liquide (cher, dangereux), si seulement on pouvait plus facilement fabriquer du carburant nucléaire, si seulement on pouvait faire les deux dans le même réacteur ! Mais au fait… on peut faire tout ça, à condition de changer de carburant nucléaire: avec du Thorium on peut fabriquer non pas du Plutonium, mais de l’U-233, un isotope d’Uranium artificiel tout aussi utile que l’U-235: on peut le brûler en utilisant des sels de fluor fondus (exceptionnellement sûrs) en guise de fluide de refroidissement (par simple convection, ce qui est très très simple et pas cher), et fabriquer plus d’U-233 au passage à partir de Thorium, pendant qu’on produit de l’électricité – étendant presque indéfiniment nos réserves de carburant nucléaire.

Cerise sur le gâteau, le Thorium est beaucoup plus abondant que l’Uranium (on en trouve dans la monazite, présente en Bretagne et ailleurs – c’est une réserve d’énergie plus vaste encore que le pétrole), et peut se manipuler en toute sécurité avec de simples gants. Il n’est pas brûlé sous forme de barres solides comme dans les centrales ordinaires, mais dissous dans le fluorure liquide, ce qui a plein d’autres avantages. Ses déchets ne sont dangereux que 500 ans environ, et ne contiennent pas de Plutonium, considéré comme le plus toxique de tous (de loin). En plus personne n’a jamais conçu de bombe à partir d’U-233 ou de Thorium, donc son détournement dans un but criminel relève de la gageure.

Un réacteur de ce type fonctionne depuis 1965 (il produit autour de 8 MW), et a démontré la faisabilité et l’intérêt du Thorium dissous dans du sel liquiéfié de fluorure:
– les produits de fission ne s’accumulent pas, ils sont extraits du fluide en continu
– pas besoin d’arrêter le réacteur pour refaire le plein de carburant, il suffit d’en redissoudre dans le fluide
– fonctionnement à plus haute température (plus efficace) à pression atmosphérique (beaucoup plus simple, moins dangereux et moins cher)
– maintenance simplifiée des tuyaux, pompes, échangeurs de chaleur, etc. (le sel liquéfié est moins volatil et moins corrosif)

À propos jesrad
Semi-esclave de la République Soviétique Socialiste Populaire de France.

9 Responses to Le Thorium remplacera-t-il l’Uranium ?

  1. Eric says:

    Une raison du non usage du thorium ?

  2. Pere Ubu says:

    L’uranium naturel contient 1% d’uranium 235 fissile et 99% d’uranium 238 transformable en plutonium 239 dans un surgénérateur. Ce plutonium à son tour peut produire de l’énergie. Cela seul suffirait à fournir de l’énergie pour très longtemps. A noter que les « déchets » radioactifs peuvent être détruits dans un surgénérateur. La première utilisation du thorium a été le Nautilus premier sous-marin nucléaire américain. Il avait été choisi car il était plus facile de se protéger des radiations produites par le moteur. La question est : où trouve-t-on du thorium ?
    Pour revenir sur le méthanol, il ne peut être qu’un vecteur de l’énergie. Les biocarburants nécessitent tous de très grandes surfaces de bonne terre où il est toujours préférable de cultiver des produits vivriers. De plus ils entrent en compétition avec ces produits et font monter les prix.
    Le meilleur carburant est le dihydrogène mais il occupe un volume prohibitif. Pour le transporter il faut donc le combiner : les produits en compétition sont les hydrures de lithium, les alcanes et les alcools.
    Le lithium est cher, le carbone bon marché. Les alcools qui contiennent de l’oxygène brûlent mieux (moins de produits polluants) que les alcanes. Le problème est de recycler le carbone si possible à partir du dioxyde de carbone produit dans la réaction en utilisant un minimum d’énergie nucléaire.

  3. Naufragé says:

    Oui c’est une très bonne question…

  4. Ken says:

    La réponse courte à votre question est que les économies d’échelle envisageables pour la production d’énergie nucléaire s’appliquaient aussi pour la production en uranium enrichissement et en plutonium destiné à construire des bombes. Purification isotopique à part, elle vient également de l’investissement considérable nécessaire pour faire du thorium une source viable de carburant, et le problème de la concurrence de l’Uranium a tué l’initiative. L’auteur cité démontre que l’usage du thorium exige de nouveaux réacteurs. Il y a aussi un autre concept d’utilisation que les études faites par Areva et Westinghouse ont trouvé prometteur, qui consiste à utiliser le Thorium dans les réacteurs à eau existants, ou en cours de développement par une compagnie appelée Thorium Power Ltd.

  5. jesrad says:

    « L’uranium naturel contient 1% d’uranium 235 fissile et 99% d’uranium 238 transformable en plutonium 239 dans un surgénérateur. Ce plutonium à son tour peut produire de l’énergie. Cela seul suffirait à fournir de l’énergie pour très longtemps. »

    Oui, c’est ce que je mentionne, peut-être pas assez clairement: cela permettrait de multiplier par environ deux ordres de grandeur nos réserves de carburant nucléaire… à condition d’utiliser ces surgénérateurs le plus tôt possible et au maximum de leur capacité, des réacteurs qui sont (à ma connaissance) refroidis au sodium liquide (Superphénix), et forment le point de focalisation de certains des écolos les plus forcenés.

    « où trouve-t-on du thorium ? »
    Principalement dans la monazite, en association avec l’Uranium et d’autres métaux rares, dans l’euxénite, la polycrase, la thorianite et surtout la thorite, qui est déjà minée pour son Uranium.

    Il est très facile de s’en procurer, et le gouvernement US a enterré près de 3200 tonnes de nitrate de thorium dans le Nevada simplement… parce qu’il ne savait pas quoi en faire.

    Un point essentiel à saisir, c’est que nous n’avons presque plus de temps pour choisir une voie pour l’avenir: si nous épuisons les très faibles quantités d’U-235 avant d’avoir mis en place des surgénérateurs partout (coût démesuré + danger) ou d’être passés au Thorium (coût initial élevé mais pas excessif), nous n’aurons plus du tout de solution simple pour utiliser les énormes stocks de Thorium et d’U-238 que nous commençons déjà voir s’empiler.

  6. chacko says:

    L’une des réserve les plus importantes de Thoryum se trouve en Asie mineur.

  7. sebastien says:

    Bonjour a toutes et tous,

    Le thorium n’est pas aussi bien reparti dans le monde que l’uranium. Il n’est touttefois pas rare! Il presente une radioactivite superieure qui ne permet pas facilement de le travailler dans les limites reglementaires usuelles [europe, USA, etc].

    Il peut etre aisemment converti [par faible combustion] en U233 lequel peut etre utilise a des fins peu civiles. Il impose donc un controle assez rigoureux.

    L’Inde est le principal promoteur de l’utilisation du Thorium [son sous sol, quasiment depourvu d’uranium, est tres riche en thorium].

    L’uranium a d’enormes avantages sur le thorium, ce qui explique en partie son choix. L’autre partie etant historique, puisqu’il permettait d’atteindre le plutonium 239 [de nouveau par faible combustion] lequel ouvre la voie a des bombes plus simples a realiser qu’avec de l’Uranium hautement enrichi.

    [A noter qu’en cas de combustion elevee, ceci n’est plus vrai, la vectorisation isotopique ne permet alors plus de faire de bombe]

    Cela etant, le thorium est un element deja « petit » {232}, dont on ne peut extraire qu’une « faible » energie.

    L’Uranium est plus gros [235+238], la partie 235 fissile genere dans la partie 238 fertile des elements lourds, lesquels peuvent participer a la production d’energie. Usuellement dans un reacteur a eau pressurisee 4% de l’uranium est consomme. 2% d’icelui genere du plutonium dont la moitie est egalement consommee. Cela dit, la masse d’uranium consommee est infiniment inferieure a celle de toute « source fossile » (petrole/charbon) generant la meme energie. [La masse de dechets induits itou, ce qui en simplifie la gestion a court, moyen et long terme, quoiqu’on veuille bien en dire]

    Dans un surgenerateur par exemple, la quasi totalite de l’energie disponible dans le materiau d’origine est consommee [en clair l’Uranium 238 contribue a la production energetqiue].
    Ainsi, il semble acquis que les reacteurs actuels seront remplaces par des surgenerateurs a court ou moyen terme. Ceci aura au moins l’avantage de ne pas surexploiter les reserves d’uranium.
    Au pssage un surgenerateur fonctionne a pression atmospherique sur son circuit primaire lequel a une capacite calorifique tres importante qui permet des variations aisee de production electrique [ajustements rapides au reseau].

    Quoiqu’il en soit, l’Uranium est un metal dont on ne peut pas faire grand chose [faibles qualite intrinseques] sinon l’utiliser dans un reacteur.

    On ne peut pas en dire autant du petrole ou du charbon dont on ne saurait se passer dans les applications medicales, industrielles et platiques. Or a l’heure actuelle, on va jusqu’a casser [operation de crackage] le petrole pour en faire du combustible. Il semble assez illogique de l’utiliser a des fins aussi banales.

    Dernier point, les pays d’europe qui de plus ont pas mal d’hydroelectique peuvent offrir au monde l’energie la moins chere [mix hydro-nucleaire] et ainsi sauver pas mal d’emplois sur le vieux continent…

    Bonne journee

    Sebastien

  8. jesrad says:

    « Il presente une radioactivite superieure »

    Faux. Le Thorium n’est pas radioactif. Il ne devient fissile qu’une fois exposé à des neutrons (transmutation en U233 radioactif). C’est un métal (ou un oxide) très sûr, au point que le gouvernement fédéral américain en a enterré 3200 tonnes dans l’Idaho, parce qu’il envisageait de s’en servir mais y a renoncé pour le moment.

    « le thorium est un element deja “petit” {232}, dont on ne peut extraire qu’une “faible” energie. »

    L’énergie récupérable ne dépend pas vraiment de la masse atomique de départ, mais des produits de fission.

    Le Thorium a une section de capture trois fois supérieure à celle de l’Uranium-238, il est plus fertile et mieux consommé: il peut absorber n’importe quel type de neutrons au lieu d’être limité aux neutrons rapides comme dans les réacteurs générant du Plutonium (d’où moins d’isotopes d’ordre supérieur gênant le traitement des déchets), la conversion du Thorium est plus efficace et plus complète.

    « L’Inde est le principal promoteur de l’utilisation du Thorium [son sous sol, quasiment depourvu d’uranium, est tres riche en thorium]. »

    Le Brésil et la Turquie ont plus de Thorium dans leur sous-sol que l’Inde (606 000 tonnes et 380 000 tonnes contre 319 000). La Turquie est le principal promoteur du Thorium et en a fait un argument en faveur de son intégration à l’UE.

    « L’uranium a d’enormes avantages sur le thorium »

    Pas vraiment, non. Il oblige à utiliser des réacteurs pressurisés ou au sodium liquide, ses produits de fission sont dangereux très très longtemps et permettent même de fabriquer des armes nucléaires. Les réacteurs à sels de fluorure qui utilisent du Thorium peuvent d’ailleurs aussi utiliser de l’Uranium, et ont les avantages des surgénérateurs en terme de production de carburant et de pression, sans leurs inconvénients en complexité, coûts (sauf peut-être R&D) et risques qui ont freiné le développement de ces derniers (ce qui continue encore aujourd’hui de déséquilibrer l’utilisation des isotopes de l’Uranium…)

    « Quoiqu’il en soit, l’Uranium est un metal dont on ne peut pas faire grand chose [faibles qualite intrinseques] sinon l’utiliser dans un reacteur. »

    Deux fois plus dense que le plomb, c’est le métal de choix pour les projectiles ballistiques.

    « a l’heure actuelle, on va jusqu’a casser [operation de crackage] le petrole pour en faire du combustible. Il semble assez illogique de l’utiliser a des fins aussi banales. »

    Oui, c’est effectivement une manière fort stupide d’utiliser un produit organique aussi complexe et pratique. Là-dessus, on est bien d’accord.

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